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II.
Sur le flux et le reflux de la mer, et sur la précession des équinoxes et la nutation de l’axe de la Terre qui résultent de ce phénomène.

Il ne s’agit point ici de chercher une nouvelle cause du flux et du reflux de la mer, mais de bien faire usage de celle que nous lui connaissons incontestablement, et qui, comme l’on sait, consiste dans l’inégale pesanteur des eaux de la mer et du centre de la Terre vers le Soleil et la Lune. Je me propose d’assujettir à une analyse plus rigoureuse qu’on ne l’a fait encore les effets de cette inégalité de pesanteur et les oscillations qui en résultent. Presque tous les géomètres qui se sont occupés jusqu’ici de cet objet ont supposé d’abord un astre immobile au-dessus d’une planète immobile et recouverte d’un fluide ; ils ont cherché la figure que le fluide devait prendre pour être en équilibre ; considérant ensuite le cas où l’astre a un mouvement réel ou apparent autour de la planète, ils ont supposé que la figure du fluide en équilibre, qu’ils avaient déterminée dans le cas de l’astre immobile, n’était point altérée par ce mouvement, dont tout l’effet, suivant eux, est de changer à chaque instant la position de cette figure relativement à la planète, en lui conservant toujours la même situation par rapport à l’astre. C’est ainsi que MM. Newton, Daniel Bernoulli et Maclaurin ont déterminé les effets des attractions du Soleil et de la Lune sur la mer ; mais il est aisé de sentir le peu de conformité de ces suppositions avec ce qui a lieu dans la nature, et l’on doit aux grands géomètres que je viens de citer la justice d’observer qu’ils en ont eux-mêmes reconnu l’inexactitude et l’insuffisance pour expliquer plusieurs phénomènes des marées. Celui qui s’éloigne le plus de leur théorie est la différence très petite que l’observation donne entre les deux marées d’un même jour, quelle que soit la déclinaison des deux astres, tandis que, en suivant leur résultat, cette différence doit souvent être très considérable et beaucoup plus grande qu’aucune autre