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et l’autre de ces assertions, et particulièrement la seconde, est sujette encore à bien des difficultés. Il est à la vérité vraisemblable, par la comparaison des observations anciennes et modernes, que le moyen mouvement de la Lune est maintenant plus rapide qu’autrefois ; c’est ce qui m’a paru même résulter des calculs de M. de Lagrange, dans la pièce citée précédemment, en les examinant avec attention. (Voir l’addition qui est à la fin de ce Mémoire.) Cette accélération d’ailleurs, si elle existe, ne paraît pas explicable par le seul principe de la gravitation universelle, dans les suppositions reçues, comme je l’ai déjà remarqué.

Si donc on admet cette équation séculaire, il faut, pour l’expliquer, ou faire varier un peu, comme je l’ai fait précédemment, les suppositions d’après lesquelles on a calculé jusqu’ici le mouvement des corps célestes, ou recourir à des causes étrangères au principe de la gravitation universelle. Pour voir jusqu’à quel point le premier de ces deux moyens est préférable au second, j’imagine que, au lieu de déterminer les mouvements célestes dans certaines suppositions sur l’action de la pesanteur, on eût cherché à déterminer ces suppositions par les mouvements observés ; il est visible que, en admettant une accélération dans le moyen mouvement de la Lune, on aurait trouvé la pesanteur agissant différemment sur les corps, suivant leurs différents mouvements ; or je demande si l’on ne s’en fût pas tenu à ce résultat, qui paraît d’ailleurs bien plus naturel que la supposition ordinaire ? On doit convenir, cependant, que, en admettant dans l’espace un fluide extrêmement rare, on explique d’une manière très satisfaisante l’équation séculaire de la Lune (voir la pièce de M. l’abbé Bossut, qui a remporté le prix de l’Académie pour l’année 1762). Mais l’existence d’un pareil fluide est fort incertaine, à moins que l’on ne prenne pour ce fluide la lumière du Soleil. Or, il ne paraît pas qu’elle résiste assez pour retarder sensiblement le mouvement de la Lune ; car, selon toutes les apparences, cette lumière est une émanation de la substance même du Soleil. Cela se prouve par les phénomènes de la réflexion et de la réfraction de la lumière, qui s’accordent très bien avec cette hypo-