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l’un sur l’autre ne change point en vertu de cette action mutuelle ; il suit de là que le Soleil pèse sur chaque planète ; et comme leur gravité sur cet astre est en raison de leur masse divisée par le carré de leur distance, leur action sur lui est dans le même rapport.

Cette pesanteur réciproque du Soleil et des planètes a également lieu entre le Soleil, les planètes et leurs satellites ; et les inégalités si multipliées du mouvement de la Lune s’en déduisent avec une telle précision, qu’il n’est plus permis de la révoquer en doute. Plusieurs philosophes ont cru cependant que la loi de la pesanteur réciproque au carré de la distance pourrait n’être pas vraie à de petites distances ; mais il me semble que leur assertion est destituée de fondement ; car cette même loi, qui a lieu pour les grandes distances des planètes au Soleil, est encore vraie à la distance de la Lune, et même à celle du rayon de la Terre, puisqu’il est prouvé que la pesanteur d’un corps à la surface de la Terre, est à sa pesanteur à la distance de la Lune, comme le carré de cette distance est à celui du rayon de la Terre. Il nous est impossible de prononcer avec la même certitude, sur de plus petites distances, mais l’analogie porte à croire que cette loi doit toujours avoir lieu ; d’ailleurs sa simplicité doit la faire préférera toute autre, jusqu’à ce que les observations nous aient forcé de l’abandonner.

On a souvent demandé pourquoi la pesanteur diminue en raison du carré de la distance. La cause de cette force étant inconnue, il est impossible d’en donner la raison physique ; mais, s’il était permis de se livrer à la Métaphysique dans une matière qu’il n’est pas possible de soumettre à l’expérience, ne serait-il pas naturel de penser que les lois de la nature sont telles que le système de l’univers serait toujours semblable à lui-même, en supposant que toutes ses dimensions viennent à augmenter ou à décroître proportionnellement ? Sans chercher ici à appuyer ce principe par des raisons que les métaphysiciens imagineront aisément, mais auxquelles les géomètres se rendraient difficilement, je me contenterai d’observer que toutes les lois connues du mouvement de la matière y sont très conformes.