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ceci de remarquable, savoir, que l’on peut, dans presque tous les cas, déterminer auxquels des joueurs cette inégalité est avantageuse.

La Théorie des hasards suppose encore que si croix et pile sont également possibles, il en sera de même de toutes les combinaisons (croix, croix, croix, etc.), (pile, croix, pile, etc.), etc. Plusieurs philosophes ont pensé que cette supposition est inexacte, et que les combinaisons dans lesquelles un événement arrive plusieurs fois de suite sont moins possibles que les autres ; mais il faudrait supposer pour cela que les événements passés ont quelque influence sur ceux qui doivent arriver, ce qui n’est point admissible. À la vérité, la marche ordinaire de la nature est d’entremêler les événements, mais cela vient, ce me semble, de ce que les combinaisons où ils sont mêlés sont beaucoup plus nombreuses. Voici, cependant, une difficulté spécieuse, à laquelle il est bon de répondre. Si croix arrivait, par exemple, vingt fois de suite, on serait fort tenté de croire que cela n’est pas l’effet du hasard, tandis que si croix et pile étaient entremêlés d’une manière quelconque, on n’en chercherait point la cause. Or, pourquoi cette différence entre ces deux cas, si ce n’est parce que l’un est physiquement moins possible que l’autre ? À cela, je réponds généralement que, là où nous apercevons de la symétrie, nous croyons toujours y reconnaître l’effet d’une cause agissante avec ordre, et nous raisonnons en cela conformément aux probabilités, parce que, un effet symétrique devant être nécessairement l’effet du hasard ou celui d’une cause régulière, la seconde de ces suppositions est plus probable que la première. Soient la probabilité de son existence dans le cas où il serait dû au hasard, et cette probabilité s’il partait d’une cause régulière ; la probabilité de l’existence de cette cause sera (voir le Tome VI des Savants étrangers)