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rance exprimée par et dans le partage elle doit avoir une somme double de celle des autres personnes.

On voit par là que l’espérance mathématique n’est autre chose que la somme partielle qui doit revenir lorsqu’on ne veut point courir les risques de l’événement, en supposant que la répartition de la somme entière se fasse proportionnellement à la probabilité de l’obtenir ; c’est en effet la seule manière équitable de la répartir lorsqu’on fait abstraction de toutes circonstances étrangères, parce qu’avec un égal degré de probabilité on a un droit égal sur la somme espérée.

L’espérance morale dépend, ainsi que l’espérance mathématique, de la somme espérée et de la probabilité de l’obtenir ; mais elle n’est pas toujours proportionnelle au produit de ces deux quantités ; elle se règle sur mille circonstances variables, qu’il est presque toujours impossible de définir, et encore plus d’assujettir à l’Analyse ; ces circonstances, il est vrai, ne servent qu’à augmenter ou à diminuer l’avantage que procure la somme espérée, et alors on peut regarder l’espérance morale elle-même comme le produit de cet avantage par la probabilité de l’obtenir ; mais on doit distinguer, dans le bien espéré, sa valeur relative de sa valeur absolue ; celle-ci est absolument indépendante du besoin et des autres raisons qui le font désirer, au lieu que la première croît avec ces différents motifs.

On ne peut donner aucune règle déterminée pour apprécier cette valeur relative ; en voici cependant une fort ingénieuse que \mathrm M. Daniel Bernoulli propose dans le Volume de Pétersbourg pour l’année 1750. La valeur relative d’une très petite somme est, suivant cet illustre géomètre, proportionnelle à sa valeur absolue divisée par le bien total de la personne intéressée.

Cette règle n’est cependant pas générale, mais elle peut servir dans un fort grand nombre de circonstances, et c’est tout ce que l’on peut désirer dans cette matière.

La plupart de ceux qui ont écrit sur les hasards ont paru confondre l’espérance et la probabilité morale avec l’espérance et la probabilité