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concourent à la production des événements, et leur complication, jointe à l’imperfection de l’Analyse, l’empêchent de prononcer avec la même certitude sur le plus grand nombre des phénomènes ; il y a donc pour lui des choses incertaines, il y en a de plus ou moins probables. Dans l’impossibilité de les connaître, il a cherché à s’en dédommager en déterminant leurs différents degrés de vraisemblance, en sorte que nous devons à la faiblesse de l’esprit humain une des théories les plus délicates et les plus ingénieuses des Mathématiques, savoir la science des hasards ou des probabilités.

Avant que d’aller plus loin, il importe de fixer le sens de ces mots hasard et probabilité. Nous regardons une chose comme l’effet du hasard, lorsqu’elle n’offre à nos yeux rien de régulier, ou qui annonce un dessein, et que nous ignorons d’ailleurs les causes qui l’ont produite. Le hasard n’a donc aucune réalité en lui-même ; ce n’est qu’un terme propre à désigner notre ignorance sur la manière dont les différentes parties d’un phénomène se coordonnent entre elles et avec le reste de la Nature.

La notion de probabilité tient à cette ignorance. Si nous sommes assurés que, sur deux événements qui ne peuvent exister ensemble, l’un ou l’autre doit nécessairement arriver, et que nous ne voyons aucune raison pour laquelle l’un arriverait plutôt que l’autre, l’existence et la non-existence de chacun d’eux est également probable. Pareillement, si de trois événements qui s’excluent mutuellement, l’un doit nécessairement arriver, et que nous ne voyons aucune raison pour laquelle l’un arriverait plutôt que l’autre, leur existence est également probable, mais la non-existence de chacun d’eux est plus probable que son existence, et cela dans le rapport de 2 à parce que sur trois cas également probables il y en à deux qui lui sont favorables, et un seul qui lui est contraire.

Le nombre des cas possibles restant le même, la probabilité d’un événement croît avec le nombre des cas favorables ; au contraire, le nombre des cas favorables restant le même, elle diminue à mesure que le nombre des cas possibles augmente ; en sorte qu’elle est en raison