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Indépendants l’un et l’autre des révolutions morales, ils ne peuvent éprouver d’altération sensible que par de très grands changements dans la constitution physique de la Terre. Le premier moyen, d’un usage facile, a l’inconvénient de faire dépendre la mesure de la distance de deux éléments qui lui sont hétérogènes, la pesanteur et le temps, dont la division est d’ailleurs arbitraire, et dont on ne pouvait pas admettre la division sexagésimale pour fondement d’un système décimal de mesures. On se détermina donc pour le second moyen, qui paraît avoir été employé dans la plus haute antiquité, tant il est naturel à l’homme de rapporter les mesures itinéraires aux dimensions mêmes du globe qu’il habite, en sorte qu’en se transportant sur ce globe, il connaisse, par la seule dénomination de l’espace parcouru, le rapport de cet espace au circuit entier de la Terre. On trouve encore à cela l’avantage de faire correspondre les mesures nautiques avec les mesures célestes. Souvent le navigateur a besoin de déterminer l’un par l’autre le chemin qu’il décrit et l’arc céleste compris entre les zéniths des lieux de son départ et de son arrivée ; il est donc intéressant que l’une de ces mesures soit l’expression de l’autre, à la différence près de leurs unités. Mais pour cela, l’unité fondamentale des mesures linéaires doit être une partie aliquote du méridien terrestre, qui corresponde à l’une des divisions de la circonférence. Ainsi le choix du mètre fut réduit à celui de l’unité des angles.

L’angle droit est la limite des inclinaisons d’une ligne sur un plan, et de la hauteur des objets sur l’horizon ; d’ailleurs, c’est dans le premier quart de la circonférence que se forment les sinus et généralement toutes les lignes que la Trigonométrie emploie et dont les rapports avec les rayons ont été réduits en Tables ; il était donc naturel de prendre l’angle droit pour l’unité des angles, et le quart de la circonférence pour l’unité de leur mesure. On le divisa en parties décimales, et pour avoir des mesures correspondantes sur la Terre, on divisa dans les mêmes parties le quart du méridien terrestre, ce qui a été fait dans l’antiquité ; car la mesure de la Terre citée par Aristote, et dont l’origine est inconnue, donne 100 000 stades au quart du méridien. Il ne