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deviendrait ainsi le bienfaiteur ; car l’empire lent, mais irrésistible, de la raison l’emporte à la longue sur les jalousies nationales, et surmonte tous les obstacles qui s’opposent au bien généralement senti. Tels furent les motifs qui déterminèrent l’Assemblée Constituante à charger de cet important objet l’Académie des Sciences. Le nouveau système des poids et mesures est le résultat du travail des commissaires de l’Académie, secondés par le zèle et les lumières de plusieurs membres de la Représentation Nationale.

L’identité du calcul décimal et de celui des nombres entiers ne laisse aucun doute sur les avantages de la division de toutes les espèces de mesures en parties décimales ; il suffit, pour s’en convaincre, de comparer les difficultés des multiplications et des divisions complexes avec la facilité des mêmes opérations sur les nombres entiers, facilité qui devient plus grande encore au moyen des logarithmes, dont on peut rendre, par des instruments simples et peu coûteux, l’usage extrêmement populaire. À la vérité, notre échelle arithmétique n’est point divisible par trois et par quatre, deux diviseurs que leur simplicité rend très usuels. L’addition de deux nouveaux caractères eût suffi pour lui procurer cet avantage ; mais un changement aussi considérable aurait été infailliblement rejeté avec le système de mesures qu’on lui aurait subordonné. D’ailleurs, l’échelle duodécimale a l’inconvénient d’exiger que l’on retienne les produits deux à deux des onze premiers nombres, ce qui surpasse l’ordinaire étendue de la mémoire, à laquelle l’échelle décimale est bien proportionnée. Enfin, on aurait perdu l’avantage qui probablement a donné naissance à notre arithmétique, celui de faire servir à la numération les doigts de la main. On ne balança donc point à adopter la division décimale, et pour mettre de l’uniformité dans le système entier des mesures, on résolut de les dériver toutes d’une même mesure linéaire et de ses divisions décimales. La question fut ainsi réduite au choix de cette mesure universelle à laquelle on donna le nom de mètre.

La longueur du pendule et celle du méridien sont les deux principaux moyens qu’offre la nature pour fixer l’unité des mesures linéaires.