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pour compenser et détruire les unes par les autres les erreurs de l’observation et des Tables.

Il est visible que les erreurs sur la longitude, correspondantes à celles des Tables et de l’observation, sont d’autant moindres que le mouvement de l’astre est plus rapide ; ainsi les observations de la Lune périgée sont, à cet égard, préférables à celles de la Lune apogée. Si l’on employait le mouvement du Soleil, treize fois environ plus lent que celui de la Lune, les erreurs sur la longitude seraient treize fois plus grandes ; d’où il suit que, de tous les astres, la Lune est le seul dont le mouvement soit assez prompt pour servir à la détermination des longitudes à la mer ; on voit donc combien il était utile d’en perfectionner les Tables.

Il est à désirer que tous les peuples de l’Europe, au lieu de rapporter au méridien de leur premier observatoire les longitudes géographiques, s’accordent à les compter d’un même méridien donné par la nature elle-même, pour le retrouver sûrement dans tous les temps. Cet accord introduirait, dans leur géographie, la même uniformité que présentent déjà leur calendrier et leur arithmétique, uniformité qui, étendue aux nombreux objets de leurs relations mutuelles, formerait de ces peuples divers une immense famille. Ptolémée avait fait passer son premier méridien par les Canaries, comme étant la limite occidentale des pays alors connus. Cette raison de préférence ne subsiste plus depuis la découverte de l’Amérique. Mais l’une de ces îles nous offre un des points les plus remarquables de la Terre, par sa hauteur et par son isolement, le sommet du pic de Ténériffe. On pourrait prendre, avec les Hollandais, son méridien pour origine des longitudes terrestres, en déterminant, par un très grand nombre d’observations astronomiques, sa position relativement aux principaux observatoires. Mais soit que l’on convienne ou non d’un méridien commun, il sera utile aux siècles à venir de connaître leur position avec exactitude par rapport au sommet de quelques montagnes toujours reconnaissables par leur hauteur et leur solidité, telles que le mont Blanc, qui domine la charpente immense et inaltérable de la chaîne des Alpes.