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tion est facile à concevoir. En s’avançant vers le nord, on voit le pôle s’élever de plus en plus ; la hauteur méridienne des étoiles situées au nord augmente, et celle des étoiles situées au midi diminue ; quelques-unes même deviennent invisibles. La première notion de la courbure de la Terre est due sans doute à l’observation de ces phénomènes, qui ne pouvaient pas manquer de fixer l’attention des hommes dans les premiers âges des sociétés, où l’on ne distinguait les saisons et leurs retours que par le lever et par le coucher des principales étoiles, comparés à ceux du Soleil. L’élévation ou la dépression des étoiles fait connaître l’angle que les verticales, élevées aux extrémités de l’arc parcouru sur la Terre, forment au point de leur concours ; car cet angle est évidemment égal à la différence des hauteurs méridiennes d’une même étoile, moins l’angle sous lequel on verrait du centre de l’étoile l’espace parcouru, et l’on s’est assuré que ce dernier angle est insensible. Il ne s’agit plus ensuite que de mesurer cet espace. Il serait long et pénible d’appliquer nos mesures sur une aussi grande étendue ; il est beaucoup plus simple d’en lier, par une suite de triangles, les extrémités à celles d’une base de 12 000m ou 15 000m ; et, vu la précision avec laquelle on peut déterminer les angles de ces triangles, on a très exactement sa longueur. C’est ainsi que l’on a mesuré l’arc du méridien terrestre qui traverse la France. La partie de cet arc, dont l’amplitude est la centième partie de l’angle droit, et dont le milieu répond à 50° de hauteur du pôle, est de 100 000m à fort peu près.

De toutes les figures rentrantes, la figure sphérique est la plus simple, puisqu’elle ne dépend que d’un seul élément, la grandeur de son rayon. Le penchant naturel à l’esprit humain de supposer aux objets la forme qu’il conçoit le plus aisément le porta donc à donner une forme sphérique à la Terre. Mais la simplicité de la nature ne doit pas toujours se mesurer par celle de nos conceptions. Infiniment variée dans ses effets, la nature n’est simple que dans ses causes, et son économie consiste à produire un grand nombre de phénomènes, souvent très compliqués, au moyen d’un petit nombre de lois générales. La figure de la Terre est un résultat de ces lois qui, modifiées par