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d’elles un noyau s’accroissant sans cesse par la condensation de l’atmosphère qui l’environne. Dans cet état, la planète ressemblait parfaitement au Soleil à l’état de nébuleuse où nous venons de le considérer ; le refroidissement a donc dû produire, aux diverses limites de son atmosphère, des phénomènes semblables à ceux que nous avons décrits, c’est-à-dire des anneaux et des satellites circulant autour de son centre, dans le sens de son mouvement de rotation, et tournant dans le même sens sur eux-mêmes. La distribution régulière de la masse des anneaux de Saturne autour de son centre et dans le plan de son équateur résulte naturellement de cette hypothèse, et sans elle devient inexplicable ; ces anneaux me paraissent être des preuves toujours subsistantes de l’extension primitive de l’atmosphère de Saturne et de ses retraites successives. Ainsi les phénomènes singuliers du peu d’excentricité des orbes des planètes et des satellites, du peu d’inclinaison de ces orbes à l’équateur solaire et de l’identité du sens des mouvements de rotation et de révolution de tous ces corps avec celui de la rotation du Soleil, découlent de l’hypothèse que nous proposons et lui donnent une grande vraisemblance, qui peut encore être augmentée par la considération suivante :

Tous les corps qui circulent autour d’une planète ayant été, suivant cette hypothèse, formés par les zones que son atmosphère a successivement abandonnées, et son mouvement de rotation étant devenu de plus en plus rapide, la durée de ce mouvement doit être moindre que celles de la révolution de ces différents corps, ce qui a lieu semblablement pour le Soleil comparé aux planètes[1]. Tout cela est confirmé par les observations. La durée de la révolution de l’anneau le plus voisin de Saturne est, suivant les observations d’Herschel, 0j,438, et celle de la

  1. Kepler, dans son Ouvrage De motibus stellæ Martis, a expliqué le mouvement de toutes les planètes dans un même sens, au moyen d’espèces immatérielles émanées de la surface du Soleil et qui, conservant le mouvement de rotation qu’elles avaient à la surface, impriment ce mouvement aux planètes. Il en a conclu que le Soleil tourne sur lui-même dans un temps moindre que celui de la révolution de Mercure, ce que Galilée reconnut bientôt après par l’observation. L’hypothèse de Kepler est sans doute inadmissible ; mais il est remarquable qu’il ait fait dépendre l’identité de la direction des mouvements planétaires de cette rotation du Soleil, tant cette tendance paraît naturelle.