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innombrables soleils répandus dans l’immensité de l’espace, à un éloignement de nous tel que le diamètre entier de l’orbe terrestre, observé de leur centre, serait insensible. Plusieurs étoiles éprouvent, dans leur couleur et dans leur clarté, des changements périodiques remarquables qui indiquent à la surface de ces astres de grandes taches, que des mouvements de rotation présentent et dérobent alternativement à nos regards. D’autres étoiles ont paru tout à coup et ont ensuite disparu, après avoir brillé pendant plusieurs mois d’un vif éclat. Telle fut l’étoile observée par Tycho Brahe en 1572, dans la constellation de Cassiopée. En très peu de temps elle surpassa la clarté des plus brillantes étoiles et de Jupiter même ; on la voyait en plein jour. Sa lumière s’affaiblit ensuite, et elle disparut seize mois après sa découverte. Sa couleur éprouva des variations considérables : elle fut d’abord d’un blanc éclatant, ensuite d’un jaune rougeâtre, et enfin d’un blanc plombé comme Saturne. Quels changements prodigieux ont dû s’opérer sur ces grands corps, pour être aussi sensibles à la distance qui nous en sépare ! Combien ils doivent surpasser ceux que nous observons à la surface du Soleil, et nous convaincre que la nature est loin d’être toujours et partout la même ! Tous ces astres devenus invisibles n’ont point changé de place durant leur apparition. Il existe donc dans l’espace céleste des corps opaques aussi considérables et peut-être en aussi grand nombre que les étoiles.

Il paraît que, loin d’être disséminées à des distances à peu près égales, les étoiles sont rassemblées en divers groupes, dont quelques-uns renferment des milliards de ces astres. Notre Soleil et les plus brillantes étoiles font probablement partie d’un de ces groupes, qui, vu du point où nous sommes, semble entourer le ciel et forme la Voie lactée. Le grand nombre d’étoiles que l’on aperçoit à la fois dans le champ d’un fort télescope dirigé vers cette Voie nous prouve son immense profondeur, qui surpasse mille fois la distance de Sirius à la Terre, en sorte qu’il est vraisemblable que les rayons émanés de la plupart de ces étoiles ont employé un grand nombre de siècles à venir jusqu’à nous. La Voie lactée finirait par offrir, à l’observateur qui s’en