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que la conservation du système planétaire entre dans les vues de l’auteur de la nature ? L’attraction mutuelle des corps de ce système ne peut pas en altérer la stabilité, comme Newton le suppose ; mais n’y eût-il, dans l’espace céleste, d’autre fluide que la lumière, sa résistance et la diminution que son émission produit dans la masse du Soleil doivent à la longue détruire l’arrangement des planètes, et pour le maintenir, une réforme deviendrait, sans doute, nécessaire. Mais tant d’espèces d’animaux éteintes dont M. Cuvier a su reconnaître, avec une rare sagacité, l’organisation dans les nombreux ossements fossiles qu’il a décrits, n’indiquent-elles pas dans la nature une tendance à changer les choses même les plus fixes en apparence ? La grandeur et l’importance du système solaire ne doivent point le faire excepter de cette loi générale ; car elles sont relatives à notre petitesse, et ce système, tout vaste qu’il nous semble, n’est qu’un point insensible dans l’univers. Parcourons l’histoire des progrès de l’esprit humain et de ses erreurs : nous y verrons les causes finales reculées constamment aux bornes de ses connaissances. Ces causes, que Newton transporte aux limites du système solaire, étaient, de son temps même, placées dans l’atmosphère, pour expliquer les météores ; elles ne sont donc aux yeux du philosophe que l’expression de l’ignorance où nous sommes des véritables causes.


Leibnitz, dans sa querelle avec Newton sur l’invention du Calcul infinitésimal, critiqua vivement l’intervention de la divinité pour remettre en ordre le système solaire. « C’est », dit-il, « avoir des idées bien étroites de la sagesse et de la puissance de Dieu. » Newton répliqua par une critique aussi vive de l’Harmonie préétablie de Leibnitz, qu’il qualifiait de miracle perpétuel. La postérité n’a point admis ces vaines hypothèses ; mais elle a rendu la justice la plus entière aux travaux mathématiques de ces deux grands génies : la découverte de la pesanteur universelle et les efforts de son auteur pour y rattacher les phénomènes célestes seront toujours l’objet de son admiration et de sa reconnaissance.

Portons maintenant nos regards au delà du système solaire, sur ces