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Quelle est cette cause primitive ? J’exposerai sur cela, dans la note qui termine cet ouvrage, une hypothèse, qui me paraît résulter avec une grande vraisemblance des phénomènes précédents, mais que je présente avec la défiance que doit inspirer tout ce qui n’est point un résultat de l’observation ou du calcul.

Quelle que soit la cause véritable, il est certain que les éléments du système planétaire sont ordonnés de manière qu’il doit jouir de la plus grande stabilité, si des causes étrangères ne viennent point la troubler. Par cela seul que les mouvements des planètes et des satellites sont presque circulaires et dirigés dans le même sens et dans des plans peu différents, ce système ne fait qu’osciller autour d’un état moyen, dont il ne s’écarte jamais que de quantités très petites. Les moyens mouvements de rotation et de révolution de ces divers corps sont uniformes, et leurs distances moyennes aux foyers des forces principales qui les animent sont constantes ; toutes les inégalités séculaires sont périodiques. Les plus considérables sont celles qui affectent les mouvements de la Lune par rapport à son périgée, à ses nœuds et au Soleil ; elles s’élèvent à plusieurs circonférences ; mais, après un très grand nombre de siècles, elles se rétablissent. Dans ce long intervalle, toutes les parties de la surface lunaire se présenteraient successivement à la Terre, sans l’attraction du sphéroïde terrestre, qui, faisant participer la rotation de la Lune à ces grandes inégalités, ramène sans cesse vers nous le même hémisphère de ce satellite et rend l’autre hémisphère invisible à jamais. C’est ainsi que l’attraction réciproque des trois premiers satellites de Jupiter a primitivement établi et maintient le rapport que l’on observe entre leurs moyens mouvements, et qui consiste en ce que la longitude moyenne du premier satellite, moins trois fois celle du second, plus deux fois celle du troisième, est constamment égale à deux angles droits. En vertu des attractions célestes, la grandeur de l’année sur chaque planète est toujours à très peu près la même ; le changement d’inclinaison de son orbite à son équateur, renfermé dans d’étroites limites, ne peut apporter que de légères variétés dans la température des saisons. Il semble que la nature ait tout disposé