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par conséquent indépendantes des dimensions de l’univers, comme, en vertu de la loi de proportionnalité de la force à la vitesse, elles sont indépendantes du mouvement absolu qu’il peut avoir dans l’espace. La simplicité des lois de la nature ne nous permet donc d’observer et de connaître que des rapports[1].

La loi de l’attraction donne aux corps célestes la propriété de s’attirer à très peu près comme si leurs masses étaient réunies à leurs centres de gravité ; elle donne encore à leurs surfaces et aux orbes qu’ils décrivent la forme elliptique, la plus simple après les formes sphérique et circulaire, que l’antiquité jugea essentielles aux astres et à leurs mouvements.

L’attraction se communique-t-elle dans un instant d’un corps à l’autre ? La durée de sa transmission, si elle était sensible pour nous, se manifesterait principalement par une accélération séculaire dans le mouvement de la Lune. J’avais proposé ce moyen d’expliquer l’accélération que l’on observe dans ce mouvement, et je trouvais que, pour satisfaire aux observations, il fallait attribuer à la force attractive une vitesse sept millions de fois plus grande que celle d’un rayon lumineux. La cause de l’équation séculaire de la Lune, étant aujourd’hui bien connue, nous pouvons affirmer que l’attraction se transmet cinquante millions de fois au moins plus promptement que la lumière. On peut donc, sans craindre aucune erreur sensible, considérer sa transmission comme instantanée.

L’attraction peut encore faire naître et entretenir sans cesse le mouvement dans un système de corps primitivement en repos ; car il n’est

  1. Les tentatives des géomètres pour démontrer le postulatum d’Euclide sur les parallèles ont été jusqu’à présent inutiles. Cependant personne ne révoque en doute ce postulatum et les théorèmes qu’Euclide en a déduits. La perception de l’étendue renferme donc une propriété spéciale, évidente par elle-même et sans laquelle on ne peut rigoureusement établir les propriétés des parallèles. L’idée d’une étendue limitée, par exemple du cercle, ne contient rien qui dépende de sa grandeur absolue. Mais, si nous diminuons, par la pensée, son rayon, nous sommes portés invinciblement à diminuer dans le même rapport sa circonférence et les côtés de toutes les figures inscrites. Cette proportionnalité me paraît être un postulatum bien plus naturel que celui d’Euclide ; il est curieux de la retrouver dans les résultats de la pesanteur universelle.