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Les phénomènes célestes peuvent se partager en trois classes. La première embrasse tous ceux qui ne dépendent que de la tendance des centres des corps célestes les uns vers les autres : tels sont les mouvements elliptiques des planètes et des satellites et leurs perturbations réciproques, indépendantes de leurs figures. Je comprends dans la seconde classe les phénomènes qui tiennent à la tendance des molécules des corps attirés vers les centres des corps attirants, tels que le flux et reflux de la mer, la précession des équinoxes et la libration de la Lune. Enfin je mets dans la troisième classe les phénomènes dépendants de l’action des molécules des corps attirants sur les centres des corps attirés et sur leurs propres molécules. Les deux inégalités lunaires dues à l’aplatissement de la Terre, les mouvements des orbes des satellites de Jupiter et de Saturne, la figure de la Terre et la variation de la pesanteur à sa surface sont des phénomènes de ce genre. Les géomètres qui, pour expliquer la gravité, entouraient d’un tourbillon chaque corps céleste, pouvaient admettre les théories newtoniennes relatives aux phénomènes des deux premières classes ; mais ils devaient rejeter, comme le fit Huygens, les théories des phénomènes de la troisième classe, fondées sur l’action des molécules des corps attirants. L’accord parfait de ces théories avec toutes les observations ne doit maintenant laisser aucun doute sur l’attraction de molécule à molécule. La loi de l’attraction réciproque au carré de la distance est celle des émanations qui partent d’un centre. Elle paraît être la loi de toutes les forces dont l’action se fait apercevoir à des distances sensibles, comme on l’a reconnu dans les forces électriques et magnétiques. Ainsi cette loi, répondant exactement à tous les phénomènes, doit être regardée, par sa simplicité et par sa généralité, comme rigoureuse. Une de ses propriétés remarquables est que, si les dimensions de tous les corps de l’univers, leurs distances mutuelles et leurs vitesses venaient à croître ou à diminuer proportionnellement, ils décriraient des courbes entièrement semblables à celles qu’ils décrivent ; en sorte que l’univers réduit ainsi successivement, jusqu’au plus petit espace imaginable, offrirait toujours les mêmes apparences à ses observateurs. Ces apparences sont