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sent encore à des forces attractives, dont dépend la constitution intime des corps et qui ne sont sensibles qu’à des distances imperceptibles à nos sens. Newton a donné le premier exemple du calcul de ce genre de forces, en démontrant que, dans le passage de la lumière d’un milieu transparent dans un autre, l’attraction des milieux la réfracte de manière que les sinus de réfraction et d’incidence sont toujours en raison constante, ce que l’expérience avait fait déjà connaître. Ce grand physicien, dans son Traité d’Optique, a fait dériver de semblables forces la cohésion, les affinités, les phénomènes chimiques alors connus et ceux de la capillarité. Il a posé ainsi les vrais principes de la Chimie, dont l’adoption générale a été plus tardive encore que celle du principe de la pesanteur. Cependant il n’a donné qu’une explication imparfaite des phénomènes capillaires, et leur théorie complète a été l’ouvrage de ses successeurs.

Le principe de la pesanteur universelle est-il une loi primordiale de la nature, ou n’est-il qu’un effet général d’une cause inconnue ? Ne peut-on pas ramener à ce principe les affinités ? Newton, plus circonspect que plusieurs de ses disciples, ne s’est point prononcé sur ces questions, auxquelles l’ignorance où nous sommes des propriétés intimes de la matière ne permet pas de répondre d’une manière satisfaisante. Au lieu de former sur cela des hypothèses, bornons-nous à présenter quelques réflexions sur ce principe et sur la manière dont il a été employé par les géomètres.

Newton a conclu, de l’égalité de l’action à la réaction, que chaque molécule d’un corps céleste doit l’attirer comme elle en est attirée, et qu’ainsi la pesanteur est la résultante des attractions de toutes les molécules du corps attirant. Le principe de l’action égale à la réaction souffre quelque difficulté lorsque le mode d’action des forces est inconnu. Aussi Huygens, qui avait fait de ce principe la base de ses recherches sur le choc des corps élastiques, ne le trouva pas suffisant pour établir l’attraction de molécule à molécule. Il était donc nécessaire de confirmer cette attraction par les observations, afin de ne laisser aucun doute sur ce point important de la théorie newtonienne.