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été impossible de pénétrer un mécanisme aussi compliqué dans ses effets qu’il est simple dans sa cause. Le géomètre embrasse présentement dans ses formules l’ensemble du système solaire et ses variations successives. Il remonte aux divers états de ce système dans les temps les plus reculés, et il redescend à tous ceux que les temps à venir dévoileront aux observateurs. Il voit ces grands changements, dont l’entier développement exige des millions d’années, se renouveler en peu de siècles dans le système des satellites de Jupiter, par la promptitude de leurs révolutions, et y produire de singuliers phénomènes entrevus par les astronomes, mais trop compliqués ou trop lents pour qu’ils en aient pu déterminer les lois. La théorie de la pesanteur, devenue par tant d’applications un moyen de découvertes aussi certain que l’observation elle-même, a fait connaître ces lois et beaucoup d’autres, dont les plus remarquables sont la grande inégalité de Jupiter et de Saturne, les équations séculaires des mouvements de la Lune par rapport au Soleil, à ses nœuds et à son périgée, et le beau rapport qui existe entre les mouvements des trois premiers satellites de Jupiter.

Par ce moyen le géomètre a su tirer des observations, comme d’une mine féconde, les éléments les plus importants de l’Astronomie, qui, sans l’Analyse, y resteraient éternellement cachés. Il a déterminé les valeurs respectives des masses du Soleil, des planètes et des satellites, par les révolutions des différents corps et par le développement de leurs inégalités périodiques et séculaires ; la vitesse de la lumière et l’ellipticité de Jupiter lui ont été données par les éclipses des satellites, avec plus de précision que par l’observation directe ; il a conclu la rotation d’Uranus, de Saturne et de son anneau, et l’aplatissement de ces deux planètes, de la position respective des orbes de leurs satellites ; les parallaxes du Soleil et de la Lune et l’ellipticité même du sphéroïde terrestre se sont manifestées dans les inégalités lunaires ; car on a vu que la Lune par son mouvement décèle à l’Astronomie perfectionnée l’aplatissement de la Terre, dont elle fit connaître la rondeur aux premiers astronomes par ses éclipses. Enfin, par une combinaison heureuse de l’Analyse avec les observations, la Lune, qui semble avoir