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leurs travaux sur l’Analyse infinitésimale. Parmi les contemporains de Newton, Huygens, fait plus qu’aucun autre pour apprécier le mérite de cette découverte, admit la gravitation des grands corps célestes les uns vers les autres en raison inverse du carré des distances, et tous les résultats que Newton en avait déduits sur le mouvement elliptique des planètes, des satellites et des comètes, et sur la pesanteur à la surface des planètes accompagnées de satellites. Il rendit à Newton, sous ces rapports, toute la justice qui lui était due. Mais de fausses idées sur la cause de la gravité lui firent rejeter l’attraction de molécule à molécule et les théories de la figure des planètes et de la variation de la pesanteur à la surface, qui en dépendent. On doit cependant observer que la loi de gravitation universelle n’avait pas, pour les contemporains de Newton et pour Newton lui-même, toute la certitude que le progrès des sciences mathématiques et des observations lui a donnée. Euler et Clairaut, qui les premiers, avec d’Alembert, appliquèrent l’Analyse aux perturbations des mouvements célestes, ne la jugèrent pas suffisamment établie pour attribuer à l’inexactitude des approximations ou du calcul les différences qu’ils trouvèrent entre l’observation et leurs résultats sur les mouvements de Saturne et du périgée lunaire. Mais ces trois grands géomètres et leurs successeurs, ayant rectifié ces résultats, perfectionné les méthodes et porté les approximations aussi loin qu’il est nécessaire, sont enfin parvenus à expliquer par la seule loi de la pesanteur tous les phénomènes du Système du monde, et à donner aux théories et aux Tables astronomiques une précision inespérée. Il n’y a pas encore trois siècles que Copernic introduisit dans ses Tables les mouvements de la Terre et des autres planètes autour du Soleil. Environ un siècle après, Kepler y fit entrer les lois du mouvement elliptique, qui dépendent de la seule attraction solaire. Maintenant elles renferment les nombreuses inégalités qui naissent de l’attraction mutuelle des corps du système planétaire ; tout empirisme en est banni, et elles n’empruntent de l’observation que les données indispensables.

C’est principalement dans ces applications de l’Analyse que se manifeste la puissance de ce merveilleux instrument, sans lequel il eût