Page:Laplace - Œuvres complètes, Gauthier-Villars, 1878, tome 6.djvu/480

Cette page a été validée par deux contributeurs.

trouvé le plus parfait accord entre les observations et les résultats de l’Analyse, ils ont unanimement adopté sa théorie du système du monde, devenue par leurs recherches la base de toute l’Astronomie. Cette liaison analytique des faits particuliers avec un fait général est ce qui constitue une théorie.

C’est ainsi qu’ayant déduit par un calcul rigoureux tous les effets de la capillarité du seul principe d’une attraction mutuelle entre les molécules de la matière, qui ne devient sensible qu’à des distances imperceptibles, nous pouvons nous flatter d’avoir la vraie théorie de ce phénomène. Quelques savants, frappés des avantages produits par l’admission de principes dont les causes sont inconnues, ont ramené dans plusieurs branches des sciences naturelles les qualités occultes des anciens et leurs explications insignifiantes. Envisageant la philosophie newtonienne sous le même point de vue qui la fit rejeter des Cartésiens, ils lui ont assimilé leurs doctrines, qui n’ont cependant rien de commun avec elle dans le point le plus important, l’accord rigoureux des résultats avec les phénomènes.

C’est au moyen de la synthèse que Newton a exposé sa théorie du système du monde. Il paraît cependant qu’il avait trouvé la plupart de ses théorèmes par l’Analyse, dont il a reculé les limites et à laquelle il convient lui-même qu’il était redevable de ses résultats généraux sur les quadratures. Mais sa prédilection pour la synthèse et sa grande estime pour la géométrie des anciens lui firent traduire sous une forme synthétique ses théorèmes et sa méthode même des fluxions, et l’on voit, par les règles et par les exemples qu’il a donnés de ces traductions, combien il y attachait d’importance. On doit regretter, avec les géomètres de son temps, qu’il n’ait pas suivi dans l’exposition de ses découvertes la route par laquelle il y était parvenu et qu’il ait supprimé les démonstrations de plusieurs résultats, paraissant préférer le plaisir de se faire deviner à celui d’éclairer ses lecteurs. La connaissance de la méthode qui a guidé l’homme de génie n’est pas moins utile aux progrès de la Science et même à sa propre gloire que ses découvertes ; cette méthode en est souvent la partie la plus intéressante,