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connaître dans la chute d’un corps le principe de la pesanteur universelle. Les savants anglais ses contemporains adoptèrent, à son exemple, la méthode des inductions, qui devint alors la base d’un grand nombre d’excellents Ouvrages sur la Physique et sur l’Analyse. Les philosophes de l’antiquité, suivant une route contraire et se plaçant à la source de tout, imaginèrent des causes générales pour tout expliquer. Leur méthode, qui n’avait enfanté que de vains systèmes, n’eut pas plus de succès entre les mains de Descartes. Au temps de Newton, Leibnitz, Malebranche et d’autres philosophes l’employèrent avec aussi peu d’avantages. Enfin, l’inutilité des hypothèses qu’elle a fait imaginer, et les progrès dont les sciences sont redevables à la méthode des inductions ont ramené les bons esprits à cette méthode, que le chancelier Bacon avait établie avec toute la force de la raison et de l’éloquence, et que Newton a plus fortement encore recommandée par ses découvertes.

À l’époque où elles parurent, Descartes venait de substituer aux qualités occultes des péripatéticiens les idées intelligibles de mouvement, d’impulsion et de force centrifuge. Son ingénieux système des tourbillons, fondé sur ces idées, avait été avidement reçu des savants que rebutaient les doctrines obscures et insignifiantes de l’École, et ils crurent voir renaître dans l’attraction universelle ces qualités occultes que le philosophe français avait si justement proscrites. Ce ne fut qu’après avoir reconnu le vague des explications cartésiennes, que l’on envisagea l’attraction comme Newton l’avait présentée, c’est à-dire, comme un fait général auquel il s’était élevé par une suite d’inductions, et d’où il était redescendu pour expliquer les mouvements célestes. Ce grand homme aurait mérité sans doute le reproche de rétablir les qualités occultes, s’il se fût contenté d’attribuer à l’attraction universelle le mouvement elliptique des planètes et des comètes, les inégalités du mouvement de la Lune, celles des degrés terrestres et de la pesanteur, la précession des équinoxes et le flux et reflux de la mer, sans montrer la liaison de son principe avec les phénomènes. Mais les géomètres, en rectifiant et en généralisant ses démonstrations, ayant