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dant de l’aplatissement de la Terre et du mouvement rétrograde que l’action du Soleil imprime aux nœuds des satellites, deux choses que Newton a le premier fait connaître, elle n’avait pu avant lui être soupçonnée. Kepler lui-même, porté par une imagination active à tout expliquer par des hypothèses, s’était vu contraint d’avouer sur cet objet l’inutilité de ses efforts.

Mais, à l’exception de ce qui concerne le mouvement elliptique des planètes et des comètes, l’attraction des corps sphériques, et le rapport des masses de planètes accompagnées de satellites à celle du Soleil, toutes ces découvertes n’ont été qu’ébauchées par Newton. Sa théorie de la figure des planètes est limitée par la supposition de leur homogénéité. Sa solution du problème de la précession des équinoxes, quoique fort ingénieuse et malgré l’accord apparent de son résultat avec les observations, est défectueuse à plusieurs égards. Dans le grand nombre des perturbations des mouvements célestes, il n’a considéré que celles du mouvement lunaire, dont la plus grande, l’évection, a échappé à ses recherches. Il a bien établi l’existence du principe qu’il a découvert ; mais le développement de ses conséquences et de ses avantages a été l’ouvrage des successeurs de ce grand géomètre. L’imperfection du Calcul infinitésimal à sa naissance ne lui a pas permis de résoudre complètement les problèmes difficiles qu’offre la théorie du système du monde, et il a été souvent forcé de ne donner que des aperçus, toujours incertains jusqu’à ce qu’ils aient été vérifiés par une rigoureuse analyse. Malgré ces défauts inévitables, l’importance et la généralité des découvertes sur ce système et sur les points les plus intéressants de la Physique mathématique, un grand nombre de vues originales et profondes qui ont été le germe des plus brillantes théories des géomètres du dernier siècle, tout cela, présenté avec beaucoup d’élégance, assure à l’Ouvrage des Principes la prééminence sur les autres productions de l’esprit humain.

Il n’en est pas des sciences comme de la littérature. Celle-ci a des limites qu’un homme de génie peut atteindre, lorsqu’il emploie une langue perfectionnée. On le lit avec le même intérêt dans tous les âges,