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CHAPITRE V.
DE LA DÉCOUVERTE DE LA PESANTEUR UNIVERSELLE.
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Après avoir montré par quels efforts l’esprit humain est parvenu à découvrir les lois des mouvements célestes, il me reste à faire voir comment il s’est élevé au principe général dont elles dérivent.

Descartes essaya, le premier, de ramener la cause de ces mouvements à la Mécanique. Il imagina des tourbillons de matière subtile, au centre desquels il plaça le Soleil et les planètes. Les tourbillons des planètes entraînaient les satellites, et le tourbillon du Soleil emportait les planètes, les satellites et leurs tourbillons. Les mouvements des comètes, dirigés dans tous les sens, ont fait disparaître ces tourbillons divers, comme ils avaient anéanti les cieux solides et tout l’appareil des cercles imaginés par les anciens astronomes. Ainsi Descartes ne fut pas plus heureux dans la Mécanique céleste que Ptolémée dans l’Astronomie ; mais leurs travaux sur ces objets n’ont point été inutiles aux sciences. Ptolémée nous a transmis, à travers quatorze siècles d’ignorance, les vérités astronomiques que les anciens avaient trouvées et qu’il avait accrues. Quand Descartes vint, le mouvement imprimé aux esprits par les découvertes de l’imprimerie et du nouveau monde, par les révolutions religieuses et par le système de Copernic, les rendait avides de nouveautés. Ce philosophe substituant à de vieilles erreurs des erreurs plus séduisantes, soutenues de l’autorité de ses travaux géométriques, renversa l’empire d’Aristote, qu’un philosophe plus sage eût difficilement ébranlé. Ses tourbillons, accueillis d’abord avec enthousiasme, étant fondés sur les mouvements de la Terre et des