Page:Laplace - Œuvres complètes, Gauthier-Villars, 1878, tome 6.djvu/465

Cette page a été validée par deux contributeurs.

des idées reçues, elles ont toujours, sur les questions difficiles et sur les phénomènes extraordinaires, sagement attendu les réponses de l’observation et de l’expérience, en les provoquant par des prix et par leurs propres travaux. Mesurant leur estime autant à la grandeur et à la difficulté d’une découverte qu’à son utilité immédiate, et persuadées par beaucoup d’exemples que la plus stérile en apparence peut avoir un jour des suites importantes, elles ont encouragé la recherche de la vérité sur tous les objets, n’excluant que ceux qui, par les bornes de l’entendement humain, lui seront à jamais inaccessibles[1]. Enfin c’est de leur sein que se sont élevées ces grandes théories que leur généralité met au-dessus de la portée du vulgaire, et qui, se répandant par de nombreuses applications sur la nature et sur les arts, sont devenues d’inépuisables sources de lumières et de jouissances. Les gouvernements sages, convaincus de l’utilité des sociétés savantes et les envisageant comme l’un des principaux fondements de la gloire et de la prospérité des empires, les ont instituées et placées près d’eux, pour s’éclairer de leurs lumières, dont souvent ils ont retiré de grands avantages.

De toutes les sociétés savantes, les deux plus célèbres par le grand nombre et par l’importance des découvertes dans l’Astronomie sont l’Académie des Sciences de Paris et la Société Royale de Londres. La première fut créée en 1666 par Louis XIV, qui pressentit l’éclat que les sciences et les arts devaient répandre sur son règne. Ce monarque, dignement secondé par Colbert, invita plusieurs savants étrangers à venir se fixer dans sa capitale. Huygens se rendit à cette invitation flatteuse ; il publia dans le sein de l’Académie, dont il fut un des premiers membres, son admirable ouvrage De Horologio oscillatorio.

Dominique Cassini fut pareillement attiré à Paris par les bienfaits de Louis XIV. Pendant quarante ans d’utiles travaux, il enrichit l’Astronomie d’une foule de découvertes : telles sont la théorie des satellites de Jupiter, dont il détermina les mouvements, par les observations

  1. Tout bon esprit doit, sur les objets inaccessibles, dire avec Montaigne que l’ignorance et l’incuriosité sont un mol et doux chevet pour reposer une tête bien faite.