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de cercle, invention qui, en donnant aux observations une précision jusqu’alors inconnue, a rendu la plupart de celles d’Hevelius inutiles à l’Astronomie.

À cette époque, l’Astronomie prit un nouvel essor par l’établissement des sociétés savantes. La nature est tellement variée dans ses productions et dans ses phénomènes, il est si difficile d’en pénétrer les causes, que, pour la connaître et la forcer à nous dévoiler ses lois, il faut qu’un grand nombre d’hommes réunissent leurs lumières et leurs efforts. Cette réunion devient surtout nécessaire quand, le progrès des sciences multipliant leurs points de contact et ne permettant plus à un seul homme de les approfondir toutes, elles ne peuvent recevoir que de plusieurs savants les secours mutuels qu’elles se demandent. Alors le physicien a recours au géomètre pour s’élever aux causes générales des phénomènes qu’il observe, et le géomètre interroge à son tour le physicien pour rendre ses recherches utiles en les appliquant à l’expérience et pour se frayer par ces applications mêmes de nouvelles routes dans l’Analyse. Mais le principal avantage des Académies est l’esprit philosophique qui doit s’y introduire et de là se répandre dans toute une nation et sur tous les objets. Le savant isolé peut se livrer sans crainte à l’esprit de système ; il n’entend que de loin la contradiction qu’il éprouve. Mais dans une société savante le choc des opinions systématiques finit bientôt par les détruire, et le désir de se convaincre mutuellement établit nécessairement entre les membres la convention de n’admettre que les résultats de l’observation et du calcul. Aussi l’expérience a-t-elle montré que, depuis l’origine des Académies, la vraie philosophie s’est généralement répandue. En donnant l’exemple de tout soumettre à l’examen d’une raison sévère, elles ont fait disparaître les préjugés qui trop longtemps avaient régné dans les sciences, et que les meilleurs esprits des siècles précédents avaient partagés. Leur utile influence sur l’opinion a dissipé des erreurs accueillies de nos jours avec un enthousiasme qui, dans d’autres temps, les aurait perpétuées. Également éloignées de la crédulité, qui fait tout admettre, et de la prévention, qui porte à rejeter tout ce qui s’écarte