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apparente. Cette inégalité, dont on doit à Tycho le premier aperçu, est celle que l’on nomme équation annuelle. On voit par cet exemple comment l’observation, en se perfectionnant, nous découvre des inégalités jusqu’alors enveloppées dans ses erreurs. Les recherches de Kepler en offrent un exemple encore plus remarquable. Ayant fait voir, dans son Commentaire sur Mars, que les hypothèses de Ptolémée s’écartaient nécessairement des observations de Tycho de huit minutes sexagésimales, il ajoute : « Cette différence est plus petite que l’incertitude des observations de Ptolémée, incertitude qui, de l’aveu de cet astronome, était au moins de dix minutes. Mais la bonté divine nous ayant fait présent dans Tycho Brahe d’un très exact observateur, il est juste de reconnaître ce bienfait de la divinité, et de lui en rendre grâces. Convaincus maintenant de l’erreur des hypothèses dont nous venons de faire usage, nous devons employer tous nos efforts pour découvrir les lois véritables des mouvements célestes. Ces huit minutes, qu’il n’est plus permis de négliger, m’ont mis sur la voie pour réformer toute l’Astronomie, et sont la matière de la plus grande partie de cet ouvrage. »

Frappé des objections que les adversaires de Copernic opposaient au mouvement de la Terre, et peut-être entraîné par la vanité de donner son nom à un système astronomique, Tycho Brahe méconnut celui de la nature. Suivant lui, la Terre est immobile au centre de l’univers ; tous les astres se meuvent, chaque jour, autour de l’axe du monde, et le Soleil, dans sa révolution annuelle, emporte avec lui les planètes. Dans ce système qui, selon l’ordre naturel des idées, aurait dû précéder celui de Copernic, les apparences sont les mêmes que dans la théorie du mouvement de la Terre. On peut généralement considérer tel point que l’on veut, par exemple, le centre de la Lune, comme immobile, pourvu que l’on transporte, en sens contraire, à tous les astres le mouvement dont il est animé. Mais n’est-il pas physiquement absurde de supposer la Terre sans mouvement dans l’espace, tandis que le Soleil entraîne les planètes au milieu desquelles elle est comprise ? La distance de la Terre au Soleil, si bien d’accord avec la durée de sa révolution, dans l’hypothèse de son mouvement, pouvait-elle laisser