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des inventions utiles, et l’on appréciera la difficulté d’y parvenir, si l’on considère qu’il a échappé au génie d’Archimède et d’Apollonius, deux des plus grands hommes dont l’antiquité s’honore.

Les Grecs n’ont commencé à cultiver l’Astronomie que longtemps après les Égyptiens et les Chaldéens, dont ils ont été les disciples. Il est difficile, à travers les fables qui remplissent les premiers siècles de leur histoire, de démêler leurs connaissances astronomiques. Leurs nombreuses écoles offrent très peu d’observateurs avant celle d’Alexandrie ; ils y traitèrent l’Astronomie comme une science purement spéculative, et en se livrant à de frivoles conjectures. Il est singulier qu’à la vue de cette foule de systèmes qui se combattaient sans rien apprendre, la réflexion très simple, que le seul moyen de connaître la nature est de l’interroger par l’expérience, ait échappé à tant de philosophes, dont plusieurs étaient doués d’un rare génie. Mais on en sera moins étonné, si l’on considère que, les premières observations ne présentant que des faits isolés, sans attrait pour l’imagination impatiente de remonter aux causes, elles ont dû se succéder avec une extrême lenteur. Il a fallu qu’une longue suite de siècles en accumulât un assez grand nombre, pour faire découvrir entre les phénomènes des rapports qui, s’étendant de plus en plus, réunissent à l’intérêt de la vérité celui des spéculations générales auxquelles l’esprit humain tend sans cesse à s’élever.

Cependant, au milieu des rêves philosophiques des Grecs, on voit percer sur l’Astronomie des idées saines, qu’ils recueillirent dans leurs voyages et qu’ils perfectionnèrent. Thalès, né à Milet l’an 640 avant notre ère, alla s’instruire en Égypte ; revenu dans la Grèce, il fonda l’école Ionienne, et il y enseigna la sphéricité de la Terre, l’obliquité de l’écliptique et les véritables causes des éclipses du Soleil et de la Lune. On dit même qu’il parvint à les prédire, en employant sans doute les méthodes ou les périodes que les prêtres égyptiens lui avaient communiquées.

Thalès eut pour successeurs Anaximandre, Anaximène et Anaxagore. Les deux premiers introduisirent dans la Grèce l’usage du gnomon et