Page:Laplace - Œuvres complètes, Gauthier-Villars, 1878, tome 6.djvu/420

Cette page a été validée par deux contributeurs.

mettent pas d’admettre la conjonction supposée dans les Tables indiennes ; elles offrent même, à cet égard, des différences beaucoup plus grandes que les erreurs dont elles sont encore susceptibles. À la vérité, quelques éléments de l’Astronomie des Indiens n’ont pu avoir la grandeur qu’ils leur assignent que longtemps avant notre ère ; il faut, par exemple, remonter jusqu’à six mille ans pour retrouver leur équation du centre du Soleil. Mais, indépendamment des erreurs de leurs déterminations, on doit observer qu’ils n’ont considéré les inégalités du Soleil et de la Lune que relativement aux éclipses, dans lesquelles l’équation annuelle de la Lune s’ajoute à l’équation du centre du Soleil, et l’augmente d’une quantité à peu près égale à la différence de sa véritable valeur à celle des Indiens. Plusieurs éléments, tels que les équations du centre de Jupiter et de Mars, sont très différents, dans les Tables indiennes, de ce qu’ils devaient être à leur première époque ; l’ensemble de ces Tables, et surtout l’impossibilité de la conjonction générale qu’elles supposent prouvent qu’elles ont été construites ou du moins rectifiées dans des temps modernes. C’est ce qui résulte encore des moyens mouvements qu’elles assignent à la Lune par rapport à son périgée, à ses nœuds et au Soleil, et qui, plus rapides que suivant Ptolémée, indiquent qu’elles sont postérieures à cet astronome ; car on sait, par la théorie de la pesanteur universelle, que ces trois mouvements s’accélèrent depuis un très grand nombre de siècles. Ainsi ce résultat de la théorie, si important pour l’Astronomie lunaire, sert encore à éclairer la chronologie. Cependant l’antique réputation des Indiens ne permet pas de douter qu’ils aient dans tous les temps cultivé l’Astronomie. Lorsque les Grecs et les Arabes commencèrent à se livrer aux sciences, ils allèrent en puiser chez eux les premiers éléments. C’est de l’Inde que nous vient l’ingénieuse méthode d’exprimer tous les nombres avec dix caractères, en leur donnant à la fois une valeur absolue et une valeur de position, idée fine et importante, qui nous paraît maintenant si simple que nous en sentons à peine le mérite. Mais cette simplicité même et l’extrême facilité qui en résulte pour tous les calculs placent notre système d’Arithmétique au premier rang