Page:Laplace - Œuvres complètes, Gauthier-Villars, 1878, tome 6.djvu/419

Cette page a été validée par deux contributeurs.

les illusions des sens à se regarder comme centre de l’univers, se persuada facilement que les astres influent sur sa destinée et qu’il est possible de la prévoir par l’observation de leurs aspects au moment de sa naissance. Cette erreur, chère à son amour-propre et nécessaire à son inquiète curiosité, est aussi ancienne que l’Astronomie ; elle s’est maintenue jusqu’à la fin de l’avant-dernier siècle, époque à laquelle la connaissance généralement répandue du vrai système du monde l’a détruite sans retour.

L’origine de l’Astronomie en Perse et dans l’Inde se perd, comme chez tous les peuples, dans les ténèbres des premiers temps de leur histoire. Les Tables indiennes supposent une Astronomie assez avancée, mais tout porte à croire qu’elles ne sont pas d’une haute antiquité. Ici je m’éloigne avec peine de l’opinion d’un illustre et malheureux ami, dont la mort, éternel sujet de regrets, est une preuve affreuse de l’inconstance de la faveur populaire. Après avoir honoré sa vie, par des travaux utiles aux sciences et à l’humanité, par ses vertus et par un noble caractère, il périt victime de la plus sanguinaire tyrannie, opposant le calme et la dignité du juste aux outrages d’un peuple dont il avait été l’idole. Les Tables indiennes ont deux époques principales, qui remontent l’une à l’année 3102 avant notre ère, l’autre à 1491. Ces époques sont liées par les mouvements du Soleil, de la Lune et des planètes, de manière qu’en partant de la position que les Tables indiennes assignent à tous ces astres à la seconde époque, et remontant à la première au moyen des Tables, on trouve la conjonction générale qu’elles supposent à cette époque primitive. Le savant célèbre dont je viens de parler, Bailly, a cherché à établir, dans son Traité de l’Astronomie indienne, que cette première époque était fondée sur les observations. Malgré ses preuves, exposées avec la clarté qu’il a su répandre sur les matières les plus abstraites, je regarde comme très vraisemblable qu’elle a été imaginée pour donner dans le zodiaque une commune origine aux mouvements des corps célestes. Nos dernières Tables astronomiques, considérablement perfectionnées par la comparaison de la théorie avec un grand nombre d’observations très précises, ne per-