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sépare les observations extrêmes. Cette considération doit diminuer nos regrets de la perte des observations chaldéennes, qu’Aristote, si l’on en croit Porphyre cité par Simplicius, se fit communiquer par l’entremise de Callisthène, et qui remontaient jusqu’à dix-neuf siècles avant Alexandre. Mais les Chaldéens n’ont pu découvrir que par une longue suite d’observations la période de 6585 jours , pendant lesquels la Lune fait 223 révolutions à l’égard du Soleil, 239 révolutions anomalistiques, et 241 révolutions par rapport à ses nœuds. Ils ajoutaient de la circonférence pour avoir le mouvement sidéral du Soleil dans cet intervalle, ce qui suppose l’année sidérale de 365 jours . Ptolémée, en rapportant cette période, l’attribue aux plus anciens mathématiciens ; mais l’astronome Geminus, contemporain de Sylla, désigne les Chaldéens comme inventeurs de cette période, et il explique la manière dont ils en ont conclu le mouvement diurne de la Lune, et la méthode par laquelle ils calculaient l’anomalie lunaire. Son témoignage ne doit laisser aucun doute, si l’on considère que le saros chaldéen, de 223 mois lunaires, qui ramène la Lune à la même position à l’égard de ses nœuds, de son périgée et du Soleil, fait partie de la période précédente. Ainsi les éclipses observées dans une période fournissaient un moyen simple de prédire celles qui devaient avoir lieu dans les périodes suivantes. Cette période et la manière ingénieuse avec laquelle ils calculaient la principale inégalité lunaire ont exigé un grand nombre d’observations comparées entre elles avec adresse : c’est le monument astronomique le plus curieux avant la fondation de l’école d’Alexandrie. Voilà ce que l’on connaît avec certitude de l’Astronomie d’un peuple que l’antiquité regarda comme le plus instruit dans la science des astres. Les opinions des Chaldéens sur le système du monde ont été très variées, comme cela devait être à l’égard d’objets que l’observation et la théorie n’avaient point encore éclairés. Cependant, quelques-uns de leurs philosophes, plus heureux que les autres ou guidés par des vues plus saines sur l’ordre et sur l’immensité de l’univers, ont pensé que les comètes étaient, ainsi que les planètes, assujetties à des mouvements réglés par des lois éternelles.