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chauds invisibles, dont plusieurs, moins réfrangibles que les rayons rouges eux-mêmes, paraissent doués d’une plus grande vitesse.

Les phénomènes de la double réfraction et de l’aberration des étoiles me paraissent donner au système de l’émission de la lumière, sinon une certitude entière, au moins une extrême probabilité. Ces phénomènes sont inexplicables dans l’hypothèse des ondulations d’un fluide éthéré. La propriété singulière d’un rayon polarisé par un cristal, de ne plus se partager en passant dans un second cristal parallèle au premier, indique évidemment des actions différentes d’un même cristal sur les diverses faces d’une molécule de lumière, dont les mouvements sont, comme on l’a vu, soumis aux lois générales du mouvement des projectiles.

Descartes est le premier qui ait publié la vraie loi de la réfraction ordinaire, que Kepler et d’autres physiciens avaient inutilement cherchée. Huygens affirme, dans sa Dioptrique, qu’il a vu cette loi, présentée sous une autre forme, dans un manuscrit de Snellius, qu’on lui a dit avoir été communiqué à Descartes, et d’où peut-être, ajoute-t-il, ce dernier a tiré le rapport constant des sinus de réfraction et d’incidence. Mais cette réclamation tardive d’Huygens en faveur de son compatriote ne me paraît pas suffisante pour enlever à Descartes le mérite d’une découverte que personne ne lui a contestée de son vivant. Ce grand géomètre l’a déduite de ces deux propositions : l’une, que la vitesse de la lumière parallèle à la surface d’incidence n’est altérée ni par la réflexion ni par la réfraction ; l’autre, que la vitesse est différente dans les divers milieux diaphanes, et plus grande dans ceux qui réfractent plus la lumière. Descartes en a conclu que si, dans le passage d’un milieu dans un autre moins réfringent, l’inclinaison du rayon lumineux est telle que l’expression du sinus de réfraction soit égale ou plus grande que l’unité, alors la réfraction se change en réflexion, les deux angles de réflexion et d’incidence étant égaux. Tous ces résultats sont conformes à la nature ; mais les preuves que Descartes en a données sont inexactes, et il est assez remarquable qu’Huygens et lui soient parvenus au moyen de théories incertaines ou fausses aux véritables lois