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Nous n’avons aucun moyen pour mesurer la durée de la propagation de la pesanteur, parce que, l’attraction du Soleil ayant une fois atteint les planètes, cet astre continue d’agir sur elles comme si sa force attractive se communiquait dans un instant aux extrémités du système planétaire ; on ne peut donc pas savoir en combien de temps elle se transmet à la Terre, de même qu’il eût été impossible, sans les éclipses des satellites de Jupiter et sans l’aberration, de reconnaître le mouvement successif de la lumière. Il n’en est pas ainsi de la petite différence qui peut exister dans l’action de la pesanteur sur les corps suivant la direction et la grandeur de leur vitesse. Le calcul m’a fait voir qu’il en résulte une accélération dans les moyens mouvements des planètes autour du Soleil et des satellites autour de leurs planètes. J’avais imaginé ce moyen d’expliquer l’équation séculaire de la Lune, lorsque je croyais, avec tous les géomètres, qu’elle était inexplicable dans les hypothèses admises sur l’action de la pesanteur. Je trouvais que si elle provenait de cette cause, il fallait supposer à la Lune, pour la soustraire entièrement à sa pesanteur vers la Terre, une vitesse vers le centre de cette planète au moins sept millions de fois plus grande que celle de la lumière. La vraie cause de l’équation séculaire de la Lune étant aujourd’hui bien connue, nous sommes certains que l’activité de la pesanteur est beaucoup plus grande encore. Cette force agit donc avec une vitesse que nous pouvons considérer comme infinie, et nous devons en conclure que l’attraction du Soleil se communique dans un instant presque indivisible aux extrémités du système solaire.

Existe-t-il entre les corps célestes d’autres forces que leur attraction mutuelle ? Nous l’ignorons, mais nous pouvons du moins affirmer que leur effet est insensible. Nous pouvons assurer également que tous ces corps n’éprouvent qu’une résistance jusqu’à présent insensible de la part des fluides qu’ils traversent, tels que la lumière, les queues des comètes et la lumière zodiacale. La masse du Soleil doit s’affaiblir sans cesse par l’émission continuelle de ses rayons. Mais, soit à cause de l’extrême ténuité de la lumière, soit parce que cet astre répare la perte qu’il éprouve par des moyens jusqu’ici inconnus, il est certain que,