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LIVRE I. — CHAPITRE III.


des astronomes. L’équinoxe du printemps, époque de la renaissance de la nature, semble devoir être pareillement celle du renouvellement de l’année ; mais il est aussi naturel de la faire commencer au solstice d’hiver, que l’antiquité célébra comme l’époque de la renaissance du Soleil, et qui sous le pôle est le milieu de la grande nuit de l’année.

Si l’année civile était constamment de 365 jours, son commencement anticiperait sans cesse sur celui de la véritable année tropique, et il parcourrait en rétrogradant les diverses saisons, dans une période d’environ 1 508 ans. Mais cette année, qui fut autrefois en usage dans l’Égypte, ôte au calendrier l’avantage d’attacher les mois et les fêtes aux mêmes saisons, et d’en faire des époques remarquables pour l’agriculture. On conserverait cet avantage, précieux aux habitants des campagnes, en considérant l’origine de l’année comme un phénomène astronomique que l’on fixerait, par le calcul, au minuit qui précède le solstice ou l’équinoxe, et c’est ce que l’on a fait en France à la fin du dernier siècle. Mais alors, les années bissextiles ou de 366 jours s’intercalant suivant une loi très compliquée, il serait difficile de décomposer en jours un nombre quelconque d’années, ce qui répandrait de la confusion sur l’histoire et sur la chronologie. D’ailleurs l’origine de l’année, que l’on a toujours besoin de connaître d’avance, deviendrait incertaine et arbitraire, lorsqu’elle approcherait de minuit d’une quantité moindre que l’erreur des tables solaires. Enfin, l’ordre des bissextiles changerait avec les méridiens, ce qui formerait un obstacle à l’adoption si désirable d’un même calendrier par les différents peuples. En voyant, en effet, chaque peuple compter de son principal observatoire les longitudes géographiques, peut-on croire qu’ils s’accorderont tous à faire dépendre d’un même méridien le commencement de leur année ? Il faut donc abandonner ici la nature, et recourir à un mode d’intercalation artificiel, mais régulier et commode. Le plus simple de tous est celui que Jules César introduisit dans le calendrier romain, et qui consiste à intercaler une bissextile tous les quatre ans. Mais si la courte durée de la vie suffit pour écarter sensiblement l’origine des années égyptiennes du solstice ou de l’équinoxe, il ne faut qu’un petit