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assigne ; il dépend, ainsi que l’heure de la pleine mer dans chaque port, des circonstances accessoires. Cet exemple nous montre combien on doit se défier des aperçus même les plus vraisemblables, quand ils ne sont point vérifiés par une rigoureuse analyse.

Cependant la considération de deux ellipsoïdes superposés l’un à l’autre peut encore représenter les marées, pourvu que l’on dirige le grand axe de l’ellipsoïde solaire vers un Soleil fictif, toujours également éloigné du vrai Soleil. Le grand axe de l’ellipsoïde lunaire doit être pareillement dirigé vers une Lune fictive, toujours également éloignée de la véritable, mais à une distance telle que la conjonction des deux astres fictifs n’arrive qu’un jour et demi après la syzygie.

Cette considération de deux ellipsoïdes, étendue au cas où les astres se meuvent dans des orbes inclinés à l’équateur, ne peut se concilier avec les observations. Si le port est situé à l’équateur, elle donne, vers le maximum des marées, les deux pleines mers du matin et du soir à très peu près égales, quelle que soit la déclinaison des astres ; seulement l’action de chaque astre est diminuée dans le rapport du carré du cosinus de sa déclinaison à l’unité. Mais, si le port à une latitude, ces deux pleines mers pourraient être fort différentes, et quand la déclinaison des astres est égale à l’obliquité de l’écliptique, la marée du soir à Brest serait environ huit fois plus grande que celle du matin. Cependant les observations très multipliées dans ce port font voir qu’alors ces deux marées y sont presque égales, et que leur plus grande différence n’est pas un trentième de leur somme. Newton attribue la petitesse de cette différence à la même cause par laquelle il avait expliqué le retard de la plus haute mer sur l’instant de la syzygie, savoir au mouvement d’oscillation de la mer, qui, suivant lui, reportant une grande partie de la marée du soir sur la haute mer suivante du matin, rend ces deux marées presque égales. Mais la théorie des ondulations de la mer fait voir encore que cette explication n’est pas exacte, et que, sans les circonstances accessoires, les deux marées consécutives ne seraient égales que dans le cas où la mer aurait partout la même profondeur.