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supposons que les arcs de cette circonférence, à partir du point le plus bas, expriment les temps écoulés depuis la basse mer ; les sinus verses de ces arcs seront les hauteurs de la mer, qui correspondent à ces temps : ainsi la mer, en s’élevant, baigne en temps égal des arcs égaux de cette circonférence.

Plus une mer est vaste, plus les phénomènes des marées doivent être sensibles. Dans une masse fluide, les impressions que reçoit chaque molécule se communiquent à la masse entière ; c’est par là que l’action du Soleil, qui est insensible sur une molécule isolée, produit sur l’Océan des effets remarquables. Imaginons un canal courbé sur le fond de la mer et terminé à l’une de ses extrémités par un tube vertical, qui s’élève au-dessus de sa surface et dont le prolongement passe par le centre du Soleil. L’eau s’élèvera dans ce tube par l’action directe de l’astre qui diminue la pesanteur de ses molécules, et surtout par la pression des molécules renfermées dans le canal, et qui toutes font un effort pour se réunir au-dessous du Soleil. L’élévation de l’eau dans le tube au-dessus du niveau naturel de la mer est l’intégrale de ces efforts infiniment petits ; si la longueur du canal augmente, cette intégrale sera plus grande, parce qu’elle s’étendra sur un plus long espace et parce qu’il y aura plus de différence dans la direction et dans la quantité des forces dont les molécules extrêmes seront animées. On voit par cet exemple l’influence de l’étendue des mers sur le phénomène des marées, et la raison pour laquelle le flux et le reflux sont insensibles dans les petites mers, telles que la mer Noire et la mer Caspienne.

La grandeur des marées dépend beaucoup des circonstances locales : les ondulations de la mer, resserrées dans un détroit, peuvent devenir fort grandes ; la réflexion des eaux par les côtes opposées peut les augmenter encore. C’est ainsi que les marées, généralement fort petites dans les îles de la mer du Sud, sont très considérables dans nos ports.

Si l’Océan recouvrait un sphéroïde de révolution, et s’il n’éprouvait dans ses mouvements aucune résistance, l’instant de la pleine mer serait celui du passage du Soleil au méridien supérieur ou inférieur ;