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CHAPITRE XI.
DU FLUX ET DU REFLUX DE LA MER.
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Newton a donné, le premier, la vraie théorie du flux et du reflux de la mer, en la rattachant à son grand principe de la pesanteur universelle. Kepler avait bien reconnu la tendance des eaux de la mer vers les centres du Soleil et de la Lune ; mais, ignorant la loi de cette tendance et les méthodes nécessaires pour la soumettre au calcul, il n’a pu donner sur cet objet qu’un aperçu fort vraisemblable. Galilée, dans ses Dialogues sur le Système du Monde, exprime son étonnement et ses regrets de ce que cet aperçu, qui lui semblait ramener dans la philosophie naturelle les qualités occultes des anciens, eût été présenté par un homme tel que Kepler. Il expliqua le flux et le reflux par les changements diurnes que la rotation de la Terre, combinée avec sa révolution autour du Soleil, produit dans le mouvement absolu de chaque molécule de la mer. Son explication lui parut tellement incontestable qu’il la donna comme l’une des preuves principales du système de Copernic, dont la défense lui suscita tant de persécutions. Les découvertes ultérieures ont confirmé l’aperçu de Kepler, et détruit l’explication de Galilée, qui répugne aux lois de l’équilibre et du mouvement des fluides.

La théorie de Newton parut en 1687, dans son ouvrage des Principes mathématiques de la Philosophie naturelle. Il y considère la mer comme un fluide de même densité que la Terre, qu’il recouvre totalement, et qui prend à chaque instant la figure où il serait en équilibre sous l’action du Soleil. En supposant ensuite que cette figure est celle d’un