Page:Laplace - Œuvres complètes, Gauthier-Villars, 1878, tome 6.djvu/296

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Bernoulli, dans sa pièce sur le flux et le reflux de la mer, eût déjà indiqué cette cause de l’accroissement de densité des couches du sphéroïde terrestre. L’Analyse que j’ai appliquée à cet objet, dans le Livre XI de la Mécanique céleste, m’a fait voir qu’il est possible de satisfaire à tous les phénomènes connus, en supposant la Terre formée d’une seule substance dans son intérieur. La loi des densités que la compression donne aux couches de cette substance n’étant pas connue, on ne peut faire à cet égard que des hypothèses.

On sait que la densité des gaz croît proportionnellement à leur compression, lorsque la température reste la même. Mais cette loi ne paraît pas convenir aux corps liquides et solides ; il est naturel de penser que ces corps résistent d’autant plus à la compression qu’ils sont plus comprimés. C’est, en effet, ce que les expériences confirment, en sorte que le rapport de la différentielle de la pression à la différentielle de la densité, au lieu d’être constant comme dans les gaz, croît avec la densité. L’expression la plus simple de ce rapport, supposé variable, est le produit de la densité par une constante. C’est la loi que j’ai adoptée, parce qu’elle réunit à l’avantage de représenter de la manière la plus simple ce que nous savons sur la compression des corps, celui de se prêter facilement au calcul dans la recherche de la figure de la Terre ; mon objet dans ce calcul n’étant que de montrer que cette manière de considérer la constitution intérieure de la Terre peut se concilier avec tous les phénomènes qui dépendent de cette constitution, du moins si le sphéroïde terrestre a été primitivement fluide. Dans l’état solide, l’adhérence des molécules diminue extrêmement leur compression mutuelle, et elle empêcherait la masse entière de prendre la figure régulière qu’elle aurait dans l’état fluide, si elle s’en était primitivement écartée. Ainsi, dans cette hypothèse même sur la constitution de la Terre comme dans toutes les autres, la fluidité primitive de la Terre me paraît nécessairement indiquée par la régularité de la pesanteur et de la figure de sa surface.

Toute l’Astronomie repose sur l’invariabilité de l’axe de rotation de la Terre à la surface du sphéroïde terrestre et sur l’uniformité de cette