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variation de la pesanteur. Le peu de différence de cet aplatissement à ceux que donnent les mesures des degrés terrestres et les inégalités lunaires prouve que la surface de ce sphéroïde serait à fort peu près celle de l’équilibre, si elle devenait fluide. De là et de ce que la mer laisse à découvert de vastes continents, on conclut qu’elle doit être peu profonde, et que sa profondeur moyenne est du même ordre que la hauteur moyenne des continents et des îles au-dessus de son niveau, hauteur qui ne surpasse pas 1000m. Cette profondeur est donc une petite fraction de l’excès du rayon de l’équateur sur celui du pôle, excès qui surpasse 20000m. Mais de même que de hautes montagnes recouvrent quelques parties des continents, de même il peut y avoir de grandes cavités dans le bassin des mers. Cependant, il est naturel de penser que leur profondeur est plus petite que l’élévation des hautes montagnes, les dépôts des fleuves et les dépouilles des animaux marins entraînés par les courants devant remplir à la longue ces cavités.

Ce résultat est important pour l’Histoire naturelle et pour la Géologie. On ne peut douter que la mer n’ait recouvert une grande partie de nos continents, sur lesquels elle a laissé des traces incontestables de son séjour. Les affaissements successifs des îles d’alors et d’une partie des continents, suivis d’affaissements étendus du bassin des mers qui ont découvert les parties précédemment submergées, paraissent indiqués par les divers phénomènes que la surface et les couches des continents actuels nous présentent. Pour expliquer ces affaissements, il suffit de supposer plus d’énergie à des causes semblables à celles qui ont produit les affaissements dont l’histoire a conservé le souvenir. L’affaissement d’une partie du bassin de la mer en découvre une autre partie, d’autant plus étendue que la mer est moins profonde. Ainsi de vastes continents ont pu sortir de l’Océan sans de grands changements dans la figure du sphéroïde terrestre. La propriété dont jouit cette figure, de différer peu de celle que prendrait sa surface en devenant fluide, exige que l’abaissement du niveau de la mer n’ait été qu’une petite fraction de la différence des deux axes du pôle et de l’équateur. Toute hypothèse fondée sur un déplacement considérable des pôles à la surface de la