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par l’Analyse aux temps les plus reculés, on voit toujours la Lune se mouvoir dans un orbe presque circulaire, comme les planètes autour du Soleil. Ainsi ni la Lune, ni aucun satellite n’a été originairement une comète.

La pesanteur à la surface de la Lune étant beaucoup plus petite qu’à la surface de la Terre, et cet astre n’ayant point d’atmosphère qui puisse opposer une résistance sensible au mouvement des projectiles, on conçoit qu’un corps, lancé avec une grande force par l’explosion d’un volcan lunaire, peut atteindre et dépasser la limite où l’attraction de la Terre commence à l’emporter sur l’attraction de la Lune. Il suffit pour cela que sa vitesse initiale suivant la verticale soit de 2 500m par seconde. Alors, au lieu de retomber sur la Lune, il devient un satellite de la Terre, et décrit autour d’elle une orbite plus ou moins allongée. Son impulsion primitive peut être tellement dirigée qu’il aille rencontrer directement l’atmosphère terrestre ; il peut aussi ne l’atteindre qu’après plusieurs et même un très grand nombre de révolutions ; car il est visible que l’action du Soleil, qui change d’une manière très sensible les distances de la Lune à la Terre, doit produire, dans le rayon vecteur d’un satellite mû dans un orbe fort excentrique, des variations beaucoup plus considérables, et peut diminuer à la longue la distance périgée du satellite, en sorte qu’il pénètre dans notre atmosphère. Ce corps, en la traversant avec une grande vitesse, éprouverait une très forte résistance et finirait bientôt par se précipiter sur la Terre ; le frottement de l’air contre sa surface suffirait pour l’enflammer et le faire détoner, s’il renfermait des matières propres à ces effets, et alors il nous offrirait tous les phénomènes que présentent les aérolithes. S’il était bien prouvé qu’ils ne sont point des produits des volcans ou de l’atmosphère et qu’il faut en chercher la cause au delà, dans l’espace céleste, l’hypothèse précédente, qui d’ailleurs explique l’identité de composition observée dans les aérolithes par celle de leur origine, ne serait point destituée de vraisemblance.


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