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saient pas dépendre de l’action de Jupiter ; il trouvait ses retours à l’équinoxe du printemps plus prompts dans le dernier siècle que ses retours à l’équinoxe d’automne, quoique les positions de Jupiter et de Saturne, soit entre eux, soit à l’égard de leurs périhélies, fussent à peu près les mêmes. Lambert avait encore observé que le moyen mouvement de Saturne, qui, par la comparaison des observations modernes aux anciennes, paraissait se ralentir de siècle en siècle, semblait au contraire s’accélérer, par la comparaison des observations modernes entre elles, tandis que le mouvement moyen de Jupiter offrait des phénomènes opposés. Tout cela portait à croire que des causes indépendantes de l’action de Jupiter et de Saturne avaient altéré leurs mouvements. Mais, en y réfléchissant davantage, la marche des variations observées dans les moyens mouvements de ces deux planètes me parut si bien d’accord avec celle qui devait résulter de leur attraction mutuelle que je ne balançai point à rejeter l’hypothèse d’une action étrangère.

C’est un résultat remarquable de l’action réciproque des planètes que, si l’on n’a égard qu’aux inégalités qui ont de très longues périodes, la somme des masses de chaque planète, divisées respectivement par les grands axes de leurs orbes considérés comme des ellipses variables, est toujours à très peu près constante. De là il suit que, les carrés des moyens mouvements étant réciproques aux cubes de ces axes, si le mouvement de Saturne se ralentit par l’action de Jupiter, celui de Jupiter doit s’accélérer par l’action de Saturne, ce qui est conforme à ce que l’on observe. Je voyais de plus que le rapport de ces variations était le même que suivant les observations. En supposant, avec Halley, le retardement de Saturne de 256″,94 pour le premier siècle, à partir de 1700, l’accélération correspondante de Jupiter serait de 104″,91, et Halley avait trouvé 106″,02 par les observations. Il était donc fort probable que les variations observées dans les moyens mouvements de Jupiter et de Saturne sont un effet de leur action mutuelle, et, puisqu’il est certain que cette action ne peut y produire aucunes inégalités, soit constamment croissantes, soit périodiques.