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inverse du carré des distances. Mais, pour peu qu’elle s’écartât de cette loi, la différence serait très sensible dans les mouvements des périhélies des orbes planétaires. Le périhélie de l’orbe terrestre aurait un mouvement annuel de 200″, si l’on augmentait seulement d’un dix-millième la puissance de la distance à laquelle la pesanteur solaire est réciproquement proportionnelle ; ce mouvement n’est que de 36″,4 suivant les observations, et nous en verrons ci-après la cause ; la loi de la pesanteur réciproque au carré des distances est donc au moins extrêmement approchée, et sa grande simplicité doit la faire admettre, tant que les observations ne forceront pas de l’abandonner. Sans doute il ne faut pas mesurer la simplicité des lois de la nature par notre facilité à les concevoir ; mais, lorsque celles qui nous paraissent les plus simples s’accordent parfaitement avec tous les phénomènes, nous sommes bien fondés à les regarder comme étant rigoureuses.

La pesanteur des satellites vers le centre de la planète est un résultat nécessaire de la proportionnalité des aires décrites par leurs rayons vecteurs aux temps employés à les décrire, et la loi de la diminution de cette force en raison du carré des distances est indiquée par l’ellipticité de leurs orbes. Cette ellipticité est peu sensible dans les orbes des satellites de Jupiter, de Saturne et d’Uranus, ce qui rend la loi de la diminution de la pesanteur difficile à constater par le mouvement de chaque satellite. Mais le rapport constant des carrés des temps de leurs révolutions aux cubes des grands axes de leurs orbes l’indique avec évidence, en nous montrant que, d’un satellite à l’autre, la pesanteur vers la planète est réciproque au carré des distances à son centre.

Cette preuve nous manque pour la Terre, qui n’a qu’un satellite ; on peut y suppléer par les considérations suivantes.

La pesanteur s’étend au sommet des plus hautes montagnes, et le peu de diminution qu’elle y éprouve ne permet pas de douter qu’à des hauteurs beaucoup plus grandes son action serait encore sensible. N’est-il pas naturel de l’étendre jusqu’à la Lune et de penser que cet astre est retenu dans son orbite par sa pesanteur vers la Terre, de même que