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core mettre deux corps en équilibre au moyen d’une balance, dont les bras et les bassins sont parfaitement égaux, et alors on sera sûr de l’égalité de leurs masses. On aura ainsi le rapport des masses de différents corps au moyen d’une balance exacte et sensible et d’un grand nombre de petits poids égaux, en déterminant le nombre de ces poids nécessaire pour tenir ces masses en équilibre.

La densité d’un corps dépend du nombre de ses points matériels renfermés sous un volume donné ; elle est donc proportionnelle au rapport de la masse au volume. Une substance qui n’aurait point de pores aurait la plus grande densité possible : en lui comparant la densité des autres corps, on aurait la quantité de matière qu’ils renferment. Mais, ne connaissant point de substances semblables, nous ne pouvons avoir que les densités relatives des corps. Ces densités sont en raison des poids sous un même volume, puisque les poids sont proportionnels aux masses ; en prenant ainsi pour unité la densité d’une substance quelconque, à une température constante, par exemple, le maximum de densité de l’eau distillée, la densité d’un corps sera le rapport de son poids à celui d’un pareil volume d’eau réduite à ce maximum. Ce rapport est ce que l’on nomme pesanteur spécifique.

Tout cela semble supposer que la matière est homogène et que les corps ne diffèrent que par la figure et la grandeur de leurs pores et de leurs molécules intégrantes. Il est cependant possible qu’il y ait des différences essentielles dans la nature même de ces molécules, et il ne répugne point au peu de notions que nous avons de la matière de supposer l’espace céleste plein d’un fluide dénué de pores, et cependant tel qu’il n’oppose qu’une résistance insensible aux mouvements planétaires. On pourrait ainsi concilier l’inaltérabilité de ces mouvements, prouvée par les phénomènes, avec l’opinion de ceux qui regardent le vide comme impossible. Mais cela est indifférent à la Mécanique, qui ne considère dans les corps que l’étendue et le mouvement. On peut alors, sans craindre aucune erreur, admettre l’homogénéité des éléments de la matière, pourvu que l’on entende par masses égales des masses qui, animées de vitesses égales et directement contraires, se font équilibre.