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faut considérer la courbe dans ses éléments, voir comment ils naissent les uns des autres, et remonter de la loi d’accroissement des coordonnées à leur expression finie. C’est précisément l’objet du Calcul infinitésimal, dont l’heureuse découverte a procuré tant d’avantages à la Mécanique, et l’on sent combien il est utile de perfectionner ce puissant instrument de l’esprit humain.

Nous avons dans la pesanteur un exemple journalier d’une force qui semble agir sans interruption. À la vérité, nous ignorons si ses actions successives sont séparées par des intervalles de temps, dont la durée est insensible ; mais, les phénomènes étant à très peu près les mêmes dans cette hypothèse et dans celle d’une action continue, les géomètres ont préféré celle-ci, comme étant plus commode et plus simple. Développons les lois de ces phénomènes.

La pesanteur paraît agir de la même manière sur les corps, dans l’état du repos et dans celui du mouvement. Au premier instant, un corps abandonné à son action acquiert un degré de vitesse infiniment petit ; un nouveau degré de vitesse s’ajoute au premier dans le second instant, et ainsi de suite, en sorte que la vitesse augmente en raison du temps.

Si l’on imagine un triangle rectangle, dont un des côtés représente le temps et croisse avec lui, l’autre côté pourra représenter la vitesse. L’élément de la surface de ce triangle étant égal au produit de l’élément du temps par la vitesse, il représentera l’élément de l’espace que la pesanteur fait décrire ; cet espace sera ainsi représenté par la surface entière du triangle, qui, croissant comme le carré d’un de ses côtés, fait voir que, dans le mouvement accéléré par la pesanteur, les vitesses augmentent comme les temps, et les hauteurs dont le corps tombe, en partant du repos, croissent comme le carré des temps ou des vitesses. En exprimant donc par l’unité l’espace dont un corps descend dans la première seconde, il descendra de quatre unités en deux secondes, de neuf unités en trois secondes, et ainsi du reste, en sorte qu’à chaque seconde il décrira des espaces croissant comme les nombres impairs, 1, 3, 5, 7, …