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nous regarderons l’inertie comme une loi de la nature, et lorsque nous observerons de l’altération dans le mouvement d’un corps, nous supposerons qu’elle est due à l’action d’une cause étrangère.

Dans le mouvement uniforme, les espaces parcourus sont proportionnels aux temps ; mais le temps employé à décrire un espace déterminé est plus ou moins long, suivant la grandeur de la force motrice. Cette différence a fait naître l’idée de vitesse, qui, dans le mouvement uniforme, est le rapport de l’espace au temps employé à le parcourir. Pour ne pas comparer ensemble des quantités hétérogènes, telles que l’espace et le temps, on prend un intervalle de temps, la seconde, par exemple, pour unité de temps ; on choisit pareillement une unité d’espace, telle que le mètre, et alors l’espace et le temps sont des nombres abstraits, qui expriment combien ils renferment d’unités de leur espèce ; on peut donc les comparer l’un à l’autre. La vitesse devient ainsi le rapport de deux nombres abstraits, et son unité est la vitesse d’un corps qui parcourt 1 mètre dans une seconde. En réduisant de cette manière l’espace, le temps et la vitesse à des nombres abstraits, on voit que l’espace est égal au produit de la vitesse par le temps, qui conséquemment est égal à l’espace divisé par la vitesse.

La force n’étant connue que par l’espace qu’elle fait décrire dans un temps déterminé, il est naturel de prendre cet espace pour sa mesure. Mais cela suppose que plusieurs forces, agissant à la fois et dans le même sens sur un corps, lui feront parcourir, durant une unité de temps, un espace égal à la somme des espaces que chacune d’elles eût fait parcourir séparément, ou, ce qui revient au même, que la force est proportionnelle à la vitesse. C’est ce que nous ne pouvons pas savoir a priori, vu notre ignorance sur la nature de la force motrice ; il faut donc encore sur cet objet recourir à l’expérience ; car tout ce qui n’est pas une suite nécessaire du peu de données que nous avons sur la nature des choses n’est pour nous qu’un résultat de l’observation.

La force peut être exprimée par une infinité de fonctions de la vitesse, qui n’impliquent pas contradiction. Il n’y en a point, par exemple, à la supposer proportionnelle au carré de la vitesse. Dans