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CHAPITRE II.
DU MOUVEMENT D’UN POINT MATÉRIEL.
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Un point en repos ne peut se donner aucun mouvement, puisqu’il ne renferme pas en soi de raison pour se mouvoir dans un sens plutôt que dans un autre. Lorsqu’il est sollicité par une force quelconque et ensuite abandonné à lui-même, il se meut constamment d’une manière uniforme dans la direction de cette force, s’il n’éprouve aucune résistance ; c’est-à-dire qu’à chaque instant sa force et la direction de son mouvement sont les mêmes. Cette tendance de la matière à persévérer dans son état de mouvement ou de repos est ce que l’on nomme inertie : c’est la première loi du mouvement des corps.

La direction du mouvement en ligne droite suit évidemment de ce qu’il n’y a aucune raison pour que le point s’écarte plutôt à droite qu’à gauche de sa direction primitive ; mais l’uniformité de son mouvement n’est pas de la même évidence. La nature de la force motrice étant inconnue, il est impossible de savoir a priori si cette force doit se conserver sans cesse. À la vérité, un corps étant incapable de se donner aucun mouvement, il paraît également incapable d’altérer celui qu’il a reçu, en sorte que la loi d’inertie est au moins la plus naturelle et la plus simple que l’on puisse imaginer. Elle est d’ailleurs confirmée par l’expérience : en effet, nous observons sur la Terre que les mouvements se perpétuent plus longtemps, à mesure que les obstacles qui s’y opposent viennent à diminuer, ce qui nous porte à croire que sans ces obstacles ils dureraient toujours. Mais l’inertie de la matière est principalement remarquable dans les mouvements célestes, qui, depuis un grand nombre de siècles, n’ont point éprouvé d’altération sensible. Ainsi