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distante que le Soleil, le mouvement extrêmement rapide qui lui serait nécessaire pour tourner en un jour autour de la Terre ? Quelle force immense ne faudrait-il pas alors pour le contenir et balancer sa force centrifuge ? Chaque astre présente des difficultés semblables, qui sont toutes levées par la rotation de la Terre.

On a vu précédemment que le pôle de l’équateur paraît se mouvoir lentement autour de celui de l’écliptique, et que de là résulte la précession des équinoxes. Si la Terre est immobile le pôle de l’équateur est sans mouvement, puisqu’il répond toujours au même point de la surface terrestre : la sphère céleste se meut donc alors sur les pôles de l’écliptique, et dans ce mouvement elle entraîne tous les astres. Ainsi le système entier de tant de corps, si différents par leurs grandeurs, leurs mouvements et leurs distances, serait encore assujetti à un mouvement général, qui disparaît et se réduit à une simple apparence, si l’on suppose l’axe terrestre se mouvoir autour des pôles de l’écliptique.

Entraînés par un mouvement commun à tout ce qui nous environne, nous ressemblons au navigateur que les vents emportent avec son vaisseau sur les mers. Il se croit immobile, et le rivage, les montagnes et tous les objets placés hors du vaisseau lui paraissent se mouvoir. Mais en comparant l’étendue du rivage et des plaines et la hauteur des montagnes à la petitesse de son vaisseau, il reconnaît que leur mouvement n’est qu’une apparence produite par son mouvement réel. Les astres nombreux répandus dans l’espace céleste sont à notre égard ce que le rivage et les montagnes sont par rapport au navigateur, et les mêmes raisons par lesquelles il s’assure de la réalité de son mouvement nous prouvent celui de la Terre.

L’analogie vient à l’appui de ces preuves. On a observé des mouvements de rotation dans presque toutes les planètes, et ces mouvements sont dirigés d’occident en orient, comme celui que la révolution diurne des astres semble indiquer dans la Terre. Jupiter, beaucoup plus gros qu’elle, se meut sur son axe en moins d’un demi-jour ; un observateur à sa surface verrait le ciel tourner autour de lui dans cet intervalle ;