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réfringent de la vapeur aqueuse peut être conclu de la réfraction qu’éprouve un rayon lumineux en passant de l’air dans l’eau, réfraction que l’on a mesurée avec exactitude. On trouve ainsi que ce pouvoir réfringent surpasse celui de l’air réduit à la même densité que la vapeur ; mais, à pressions égales, la densité de l’air surpasse celle de la vapeur à peu près dans le même rapport, d’où il résulte que la réfraction due à la vapeur aqueuse répandue dans l’atmosphère est à peu près la même que celle de l’air dont elle occupe la place, et qu’ainsi l’effet de l’humidité de l’air sur la réfraction est insensible. M. Biot a confirmé ce résultat par des expériences directes qui montrent de plus que la température n’influe sur la réfraction que par le changement qu’elle produit dans la densité de l’air. Enfin M. Arago, par un moyen aussi précis qu’ingénieux, s’est assuré que l’influence de l’humidité de l’air sur sa réfraction est insensible.

La théorie précédente suppose une atmosphère parfaitement calme, en sorte que la densité de l’air soit partout la même à des hauteurs égales au-dessus du niveau des mers. Mais les vents et les inégalités de température altèrent cette hypothèse et peuvent affecter d’une manière sensible les réfractions. Quelque perfection que l’on donne aux instruments d’Astronomie, l’effet de ces causes perturbatrices, s’il est remarquable, sera toujours un obstacle à la précision extrême des observations, qu’il faudra multiplier considérablement pour le faire disparaître. Heureusement nous sommes certains que cet effet ne peut s’élever qu’à un très petit nombre de secondes[1].

L’atmosphère affaiblit la lumière des astres, surtout à l’horizon, où

  1. Les recherches des physiciens sur les rétractions astronomiques offrent un exemple remarquable du danger des hypothèses, quand on les réalise, au lieu de les regarder comme des moyens de soumettre les observations au calcul. Dominique Cassini, pour former une Table de réfraction, était parti de la supposition très simple d’une densité constante de l’atmosphère. Cette Table, fort exacte aux hauteurs où l’on observe presque toujours les astres, fut adoptée par les astronomes. La tendance naturelle à réaliser les choses dont on fait un usage habituel fit croire généralement que, conformément à l’hypothèse de Cassini, les réfractions augmentent à mesure que l’on s’élève dans l’atmosphère. Cette croyance subsista jusqu’au moment où Bouguer prouva, par un grand nombre d’observations faites à Quito, élevé de 2 800m au-dessus du niveau de la mer, que les réfractions, loin d’être augmentées à cette hauteur, y étaient diminuées.