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pas le degré de précision des résultats ; il ne fait point connaître le nombre des observations nécessaires pour obtenir une probabilité déterminée. Quelquefois même il a fait rechercher la cause de phénomènes qui n’étaient dus qu’au hasard. Le Calcul des probabilités peut seul faire apprécier ces objets, ce qui rend son usage de la plus haute importance dans les sciences physiques et morales.

Au commencement du dernier siècle et sur l’invitation de l’Académie des Sciences, on fit dans nos ports un grand nombre d’observations des marées ; elles furent continuées chaque jour à Brest, pendant six années consécutives. La situation de ce port est très favorable à ce genre d’observations. Il communique avec la mer par un vaste et long canal, au fond duquel le port a été construit. Les irrégularités du mouvement de la mer ne parviennent ainsi dans ce port que très affaiblies, à peu près comme les oscillations que les mouvements du vaisseau impriment à la colonne de mercure d’un baromètre sont atténuées par un étranglement du tube de cet instrument. De plus, les marées étant fort grandes à Brest, les variations accidentelles n’en sont qu’une faible partie, et si l’on considère spécialement, comme je l’ai fait, les excès des hautes mers sur les basses mers voisines, les vents, cause principale des irrégularités du mouvement de la mer, ont sur les résultats peu d’influence, parce que, s’ils élèvent une haute mer, ils soulèvent à peu près autant la basse mer qui la suit, ou qui la précède. Aussi l’on remarque dans ces résultats une grande régularité, pour peu que l’on multiplie les observations. Frappé de cette régularité, je priai le gouvernement d’ordonner que l’on fît dans le port de Brest une nouvelle suite d’observations des marées, pendant une période entière du mouvement des nœuds de l’orbite lunaire. C’est ce que l’on a bien voulu entreprendre. Ces observations datent de l’année 1806, et elles ont été continuées, chaque jour, sans interruption. En discutant toutes ces observations par la méthode dont je viens de parler, je suis parvenu aux résultats suivants, qui ne laissent aucun doute.

La mer s’élève et s’abaisse deux fois dans chaque intervalle de temps