Page:Laplace - Œuvres complètes, Gauthier-Villars, 1878, tome 5.djvu/35

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

a été en équilibre. En se consolidant, ces couches n’ont changé que très-peu de figure, et alors la Terre doit offrir présentement les phénomènes dont je viens de parler. Ce cas a été amplement discuté par les géomètres. Mais la Terre, homogène dans le sens chimique, ou formée d’une seule substance dans son intérieur, pourrait encore nous présenter ces phénomènes. On conçoit, en effet, que le poids immense des couches supérieures peut augmenter considérablement la densité des couches inférieures. Jusqu’ici les géomètres n’ont point fait entrer dans leurs recherches sur la figure de la Terre la compressibilité des substances dont elle est formée, quoique Daniel BernouUi, dans sa pièce sur le flux et le reflux de la mer, eût déjà indiqué cette cause de l’accroissement de densité des couches du sphéroïde terrestre. J’ai pensé que l’on verrait avec quelque intérêt l’analyse suivante, de laquelle il suit qu’il est possible de satisfaire à tous les phénomènes connus en supposant la Terre formée d’une seule substance dans son intérieur. La loi des densités que la compression donne aux couches de cette substance n’étant pas connue, on ne peut faire à cet égard que des hypothèses.

On sait que la densité des gaz croît proportionnellement à leur compression lorsque la température reste la même. Mais cette loi ne paraît pas convenir aux corps liquides et solides ; il est naturel de penser que ces corps résistent d’autant plus à la compression qu’ils sont plus comprimés. C’est, en effet, ce que les expériences confirment, en sorte que le rapport de la différentielle de la pression à la différentielle de la densité, au lieu d’être constant comme dans les gaz, croit avec la densité. L’expression la plus simple de ce rapport supposé variable est le produit de la densité par une constante. C’est la loi que j’ai adoptée, parce qu’elle réunit, à l’avantage de représenter de la manière la plus simple ce que nous savons sur la compression des corps, celui de se prêter facilement au calcul dans la recherche de la figure de la Terre, mon objet dans ce calcul n’étant que de montrer que cette manière de considérer la constitution intérieure de la Terre peut se concilier avec tous les phénomènes qui dépendent de cette constitution, du moins si le sphéroïde terrestre a été primitivement fluide. Dans l’état solide,