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fût parti de l’hypothèse d’une attraction insensible à des distances sensibles, et s’il eût appliqué aux molécules situées dans la sphère d’activité des parois du tube l’analyse des forces dont il a fait usage pour les molécules de l’axe, il aurait été conduit, non-seulement au résultat de Jurin, mais encore à ceux que nous avons obtenus par la seconde manière dont nous avons envisagé l’action capillaire. On voit, par cette méthode, que, si le liquide mouille parfaitement le tube, on peut concevoir que la partie seule du tube supérieure à la surface liquide d’une quantité imperceptible le sollicite à s’élever et le tient suspendu en équilibre, lorsque le poids de la colonne élevée balance l’attraction de cet anneau du tube, ce qui se rapproche extrêmement des idées de Jurin, et ce qui conduit à sa conclusion, savoir, que le poids de la colonne est proportionnel au contour de la base intérieure du tube, conclusion que l’on doit étendre généralement à un tube prisinatique, quels que soient sa forme intérieure et le rapport de l’attraction de ses molécules sur le liquide à l’attraction des molécules liquides sur elles-mêmes.

La ressemblance de la surface des gouttes liquides et des fluides contenus dans les espaces capillaires avec les surfaces dont les géomètres s’occupèrent à l’origine du Calcul infinitésimal, sous les noms de lintéaire, d’élastique, etc., porta naturellement plusieurs physiciens à considérer les liquides comme étant enveloppés de semblables surfaces, qui, par leur tension et leur élasticité, donnaient aux liquides les formes indiquées par l’expérience. Segner, l’un des premiers qui aient eu cette idée, sentit bien qu’elle n’était qu’une fiction propre à représenter les phénomènes, mais que l’on ne devait admettre qu’au tant qu’elle se rattachait à la loi d’une attraction insensible à des distances sensibles (Tome 1er des anciens Mémoires de la Société Royale de Gôttingue). Il essaya donc d’établir cette dépendance ; mais, en suivant son raisonnement, il est facile d’en reconnaître l’inexactitude, et les résultats auxquels il parvient en sont la preuve. Il trouve, par exemple, qu’il ne faut avoir égard qu’à la courbure de la section verticale d’une goutte et nullement à la courbure de la section horizontale, ce qui